Les protéines dans un esprit de durabilité

Riche d’une formation internationale des plus variées, acquise dans des établissements aussi renommés que l’hôtel Fairmont de Vancouver, le Castello Vicchio Maggio de Toscane et le restaurant écossais Esperante, le chef Alessandro Vianello s’est taillé une solide réputation de connaisseur et de virtuose de la cuisine durable à base de protéines.

Aujourd’hui, il travaille en coulisses pour le groupe de restauration Gooseneck Hospitality, dont le restaurant Wildebeest fait partie des incontournables de la scène culinaire de Vancouver. Nous avons eu l’occasion d’interroger le chef Vianello au sujet du processus qu’il privilégie quand il s’agit de choisir les produits protéinés les plus savoureux, de les cuisiner et d’en tirer tout ce qu’il peut.

Qu’est-ce qui vous a d’abord inspiré, avant de plonger dans le monde des services alimentaires et de la durabilité culinaire?

Il me semble avoir toujours voulu être chef cuisinier. J’ai même des photos de moi à quatre ans, dans la cuisine. C’est sans doute le goût de rendre les gens heureux, de les nourrir, de les voir agir et réagir autour d’une table ou d’un bar. C’est ce qui m’inspire le plus.

Comment procédez-vous pour choisir vos ingrédients locaux dans un esprit de durabilité? Quels sont les avantages de procéder ainsi?

Comme nous faisons affaire directement avec les producteurs, nous avons établi d’excellentes relations avec agriculteurs, de la vallée du bas Fraser jusqu’à l’Okanagan, de même qu’avec nos cueilleurs. Cette méthode a l’avantage de soutenir les entreprises et les producteurs agricoles de la région, de sorte qu’ils survivent longtemps et puissent continuer de produire ces magnifiques ingrédients.

Notre menu change constamment, presque chaque semaine. En ce moment, l’automne arrive et nos cueilleurs nous apportent toute une variété de champignons. Dans l’Okanagan, c’est aussi la saison des fruits à noyau, comme les pêches, les avocats et les prunes. Nous achevons tout juste une période d’abondance pour les tomates locales et les petits fruits. Tout dépend des produits qui sont en saison.

Nous faisons aussi des conserves : nous essayons d’acheter les ingrédients à leur meilleur, au début de la saison, et nous en achetons plus que nécessaire pour les congeler, les déshydrater ou les mettre en conserve. J’adore les conserves, parce qu’elles préservent la saveur naturelle; les marinades ont aussi une grande importance. La déshydratation intensifie la saveur de certains aliments, les champignons en particulier, qui deviennent une bombe de saveur et se conservent très longtemps; nous en déshydratons beaucoup.

Parlez-nous de quelques aliments protéinés peu courants que vous privilégiez dans votre menu.

Nous aimons utiliser beaucoup de gibier, comme le wapiti et le sanglier. Nous aimons également les ris de veau et la moelle et, comme nous fabriquons nous-mêmes une grande partie de notre charcuterie, nous utilisons différentes coupes de viande de ces animaux.

À titre d’exemple, notre menu propose un plat de moelle. Comme nous achetons toujours un demi-bœuf wagyu, nous utilisons le gras de différentes façons, pour la conservation, dans la charcuterie et même dans quelques desserts.

Parlez-nous du processus de saveur que vous incorporez dans la préparation des plats axés sur la viande.

Je dirais que nous essayons de trouver des ingrédients de très haute qualité et que mon processus consiste à tenter non pas de masquer leur saveur, mais de l’accentuer. J’ai tendance à trouver différents ingrédients qui ne dominent pas la saveur des aliments protéinés.

Prenons par exemple la moelle, un de nos mets les plus populaires. Nous la servons avec une purée de champignons fermentés et des poireaux et champignons sautés, le tout accompagné de pain au levain maison. On goûte un peu à l’acide, qui accentue tout en coupant le gras de la moelle. Pour éviter de trop masquer le goût de la moelle, nous ajoutons des poireaux et des champignons, dont la saveur est assez douce et la texture agréable.

Quel rôle jouent les épices et les assaisonnements dans la préparation de ces plats?

Pour moi, ils échafaudent la saveur. J’essaie de les employer à différentes étapes de la cuisson. Beaucoup d’épices doivent être cuites ou, du moins, utilisées autrement que saupoudrées sur tout, où elles ne font rien d’autre que donner leur propre saveur. Il faut toujours échafauder les saveurs. Revenons à notre moelle : il faut l’assortir à une épice ou à un assaisonnement qui la rehausse sans dominer les autres saveurs.

Autre exemple, les épices à cari. Comme il faut faire cuire ces épices, je les ajouterais au tout début de la préparation et je les laisserais cuire longtemps pour qu’elles perdent leur texture graveleuse. Ces épices dures ne se dissolvent pas vraiment. Il faut donc les décomposer pour en dégager les huiles et les saveurs.

Certaines leçons que vous donnez aux acteurs du milieu de la gastronomie de Vancouver ont trait à l’utilisation de l’animal entier. Pourriez-vous nous décrire le processus que vous suivez pour gaspiller le moins d’ingrédients protéinés possible?

Nous faisons tout notre possible pour ne rien gaspiller. Nous achetons des moitiés d’animal et nous utilisons tout. Les parures vont dans la charcuterie et les saucisses. Les coupes plus nobles sont mises en vedette dans le menu et les os servent à fabriquer des fonds qui entrent dans la préparation des sauces ou la cuisson d’autres ingrédients. Pour moi, ce n’est pas réellement un processus, mais une philosophie et un état d’esprit. C’est ce qu’on doit faire.

Comment votre processus d’utilisation des ingrédients protéinés varie-t-il selon que vous servez un repas privé ou ouvrez un restaurant temporaire?

Il ne change pas vraiment en fonction de l’envergure du repas. L’approche demeure la même. Que je m’occupe d’un restaurant temporaire ou d’un dîner privé, j’évite d’acheter des ingrédients dont je n’ai pas besoin. Comme la durabilité a énormément d’importance pour moi, je ne vais pas commander un animal entier pour une tablée de 12 personnes. Ce qu’il faut, c’est trouver des bouchers qui partagent la même philosophie et le même état d’esprit quant à l’utilisation de l’animal entier. Ainsi, je sais qu’en achetant chez eux, j’obtiens des produits de bonne provenance et de grande qualité, dont il n’est pas question de gaspiller un morceau.

Quel conseil donneriez-vous aux chefs ou aux restaurants qui veulent améliorer leur durabilité?

Je crois qu’il faut voir au niveau des fournisseurs, d’abord et avant tout. Si vous faites appel à un fournisseur qui appuie ces initiatives, tout sera plus facile dès le départ. Un de nos trucs consiste à mettre tous nos déchets dans des bacs en plastique transparent, de sorte qu’à la fin de la soirée, on puisse voir ce qu’on a jeté et réfléchir à ce qu’on aurait pu faire de ces déchets. On n’utilisera pas nécessairement les pelures de carottes ou d’oignons, mais il y a bien d’autres choses qui peuvent servir.

On ne se rend pas toujours compte de tout ce qu’on enlève des légumes quand on les nettoie, ni des différentes parures et autres morceaux de viande et de poisson qu’on jette. On peut passer une cuillère sur la grande arête d’un saumon après l’avoir fileté, par exemple, et utiliser la chair dans un tartare ou une mousse. Ce qui reste peut ensuite servir à préparer un fond.

Il y a tellement d’ingrédients que nous gaspillons quotidiennement sans vraiment y faire attention. Ce sont les petits gestes et les petits morceaux qui comptent. Autrement, on ne fait que jeter de l’argent à la poubelle. 

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