La cuisine sino-américaine descend dans la rue

Cadette de la famille propriétaire du camion de restauration Mei Mei, Irene Li a commencé dans le monde culinaire en tant que cuisinière à la chaîne au restaurant La Morra, pensionnaire à la ferme biologique de la Mountain School et bénévole pour le Food Project, un organisme à but non lucratif du Massachusetts qui procure aux jeunes de l’emploi dans des établissements agricoles locaux, dans le but de développer un réseau alimentaire plus durable.

De retour au Mei Mei avec ses aînés, Irene aide la famille Li à régaler les rues de Boston avec une cuisine chinoise modernisée à l’américaine.

Dernièrement, nous nous sommes entretenus avec Irene pour en apprendre davantage sur le monde de la restauration mobile au Massachusetts et les processus qui le distinguent du quotidien dans une cuisine de restaurant conventionnel.

Le Mei Mei Street Kitchen propose les saveurs de la cuisine sino-américaine aux passants dans les rues de Boston. Qu’est-ce qui vous a incités à choisir une approche mobile de la restauration?

Le choix d’une approche mobile a surtout été déterminé par notre fascination pour les camions de restauration. Lorsque nous avons ouvert il y a six ans, l’industrie du camion de restauration était encore relativement nouvelle à Boston; il n’y en avait même pas une dizaine dans les rues. Nous aimions vraiment l’idée de cuisiner dans un camion et de servir des mets intéressants aux passants dans tous les coins de la ville.

Le concept nous a aussi donné la chance de travailler un peu comme une cuisine expérimentale, en essayant de créer une grande variété de mets différents. Les gens qui se présentent devant un camion de restauration n’ont pas d’idée préconçue de ce qu’ils vont y trouver. Les premières années, nous changions le menu chaque jour, au fil de nos expériences.

Pour nous, le camion avait aussi l’avantage d’être moins coûteux qu’un vrai restaurant. Le seuil d’entrée est beaucoup plus bas, mais le processus demeure très compliqué, en particulier l’obtention de permis, qui peut s’avérer un véritable cauchemar. Globalement, l’expérience s’est révélée une excellente manière de se mouiller et de voir ce qui nous intéressait pour l’avenir dans le monde de la restauration.

Lorsque vous créez vos menus, comment trouvez-vous le bon équilibre de saveurs entre les ingrédients chinois et américains de vos plats? Comment vous y prenez-vous pour créer vos saveurs?

Nous employons beaucoup d’ingrédients chinois, tout en réfléchissant aux différentes qualités particulières qu’ils apportent à un plat. Pour nous, ce sont les qualités savoureuses et umami qui font l’intérêt de beaucoup de ces ingrédients. Nous utilisons aussi de nombreuses épices chinoises, comme le cinq-épices. C’est un assaisonnement vraiment spécial, parce qu’il rappelle les épices employées dans la pâtisserie occidentale; c’est une manière très amusante de marier le sucré et le salé.

Pour ce qui est des ingrédients américains, nous utilisons énormément de fromage, absent de la cuisine chinoise conventionnelle, et nous collaborons avec plusieurs établissements agricoles locaux. Pour créer des saveurs, notre réflexion part généralement d’un ingrédient de saison qui nous attire réellement et qui vient d’une ferme que nous adorons. De là, nous trouvons quelque chose à faire avec. Parfois, le résultat est chinois, mais pas toujours. Quoi qu’il en soit, s’il est délicieux et si nos cuisiniers aiment le préparer, nous sommes heureux de l’avoir au menu.

Y a-t-il un ingrédient en particulier que vous avez découvert récemment et qui soulève ce genre d’enthousiasme chez vous?

En ce moment, nous faisons beaucoup d’expériences avec le maïs sucré. Au milieu de l’été, le maïs sucré est tellement délicieux, plus qu’à tout autre moment de l’année. Nous avons eu beaucoup de plaisir à chercher des façons de l’intégrer dans des mets en lui gardant ce bon goût et à trouver des épices et des profils de saveur qui rehaussent son côté sucré sans prendre toute la place. Nous avons aussi essayé de trouver des méthodes pour le conserver tout l’hiver, soit en le faisant mariner ou congeler, ou autrement.

En quoi le fait de cuisiner dans la rue change-t-il les ingrédients et les techniques de cuisine que vous utilisez?

Le manque d’espace pour le matériel est l’une des particularités des camions de restauration. Tous nos mets doivent être soit complètement préparés d’avance, soit cuits instantanément sur commande. Ces contraintes nous obligent à déployer des tonnes de créativité, afin de trouver le bon équilibre de mets à réchauffer et de plats froids qu’il suffit de servir. Selon moi, elles nous ont certainement sensibilisés à la quantité d’assaisonnements et d’épices, qui varie en fonction de la température de service.

Un aliment froid, par exemple, aura besoin d’un peu plus de sel, d’épices ou de vinaigre qu’un aliment chaud qu’on sert en hiver. En ce sens, nous devons travailler stratégiquement.

Parlez-nous du plus grand défi de saveur que vous a présenté votre cuisine mobile.

Comme nous servons énormément de clients, il faut miser sur la simplicité et, pour cela, limiter la taille de notre menu. Actuellement, notre menu ne comporte que six choix. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est suffisant pour que les choses s’emballent lorsqu’une trentaine de personnes attendent pour commander, se faire servir et manger, le tout durant les 20 minutes de leur pause repas.

Parfois, nous aimerions cuisiner davantage dans le camion, mais le volume nous limite. On peut dire en général que, chez Mei Mei, nous adorons les mets épicés et que, comme bien d’autres amateurs de piment, plus nous en mangeons, plus nous en voulons. Pour bon nombre de nos clients qui n’ont pas l’habitude des mets épicés, l’expérience peut s’avérer moins agréable, alors nous faisons attention. Chaque fois que nous essayons une nouvelle recette, nos commentaires sont unanimes : « délicieux, mais il faudrait beaucoup plus d’épices ». Mais ensuite, les clients nous réclament des plats non épicés.

Quel conseil donneriez-vous à un cuisinier qui songe à se procurer un camion de restauration?

Le premier conseil que je lui donnerais est de commencer par trouver un emploi dans un camion de restauration. Il n’y a pas de meilleure façon d’apprendre. En plus, l’exploitant du camion peut le conseiller sur les meilleurs endroits où se garer, les permis à obtenir et les aspects moins prestigieux que le service, comme la mise en place, le nettoyage, la conduite et l’entretien du camion, qui prennent beaucoup plus de temps qu’on le voudrait.

Même les chefs d’expérience habitués à la restauration conventionnelle trouveront bien différent de travailler dans un camion de restauration. Si le cuisinier n’a jamais travaillé dans un casse-croûte ou un milieu semblable, je lui conseillerais fortement de se renseigner. La façon de rédiger le menu est également particulière : en le lisant, les clients doivent saisir l’essentiel du plat proposé, puisqu’on n’a pas le temps de leur expliquer en détail.

Enfin, il faut insister sur la simplicité, un concept que la plupart des chefs maîtrisent, mais qui peut être très différent dans le cadre d’un camion de restauration.

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