Hommage aux saveurs classiques de l’enfance

Dans le Sud-Ouest de Montréal se trouve l’établissement Arthurs Nosh Bar, un restaurant juif aux racines marocaines et au flair international dirigé par les chefs globe-trotters Raegan Steinberg et Alex Cohen.

Raegan, qui a commencé sa carrière culinaire à l’Art Institute, à Vancouver, et Alex, entrepreneur autodidacte qui a gravi les échelons après avoir commencé à la plonge, se sont rencontrés à Montréal, et on connaît la suite!

Nous avons fait un saut à l’Arthurs Nosh Bar pour découvrir comment ces deux chefs mettent à profit leur éducation, leurs voyages en Asie, leur flair nord-américain et leur vie à Montréal pour créer un menu fidèle à leurs racines familiales et dans lequel le public se retrouve.

Au début de votre carrière culinaire, vous avez tous deux décidé de voyager pour trouver de l’inspiration en Asie. Parlez-nous de vos objectifs et de la façon dont ils ont inspiré vos techniques et vos processus de travail lors de votre retour au Canada.

Raegan Steinberg : Au début, je devais voyager, et Alex devait fréquenter le Culinary Institute of America, à New York. Les plans d’Alex sont cependant tombés à l’eau, et il a décidé de m’accompagner en voyage. Il m’a même demandé en mariage la veille de notre départ. Comme Instagram n’existait pas encore, nous voulions créer un blogue sur notre voyage. Nous pensions cependant uniquement écrire des articles sur la cuisine et étions loin de nous douter nous en viendrons à ouvrir un restaurant.

Notre blogue n’était cependant pas fidèle à la réalité, car nous écrivions des articles sur le Vietnam pendant que nous nous trouvions en Chine et faisions d’autres supercheries du genre. Nous avons également constaté, en tout respect, que beaucoup des aliments et des saveurs des pays de l’Asie du Sud se ressemblaient pas mal. Nous avions également beaucoup de difficulté à communiquer avec les résidents du coin. Par exemple, nous n’arrivions pas à discuter avec les gens qui vendaient du pad thaï ou du pad suey dans la rue pour en connaître les ingrédients. Cette aventure m’a cependant encouragée à élargir mes horizons culinaires et à employer les techniques que j’y ai apprises. Elle m’a également permis de découvrir la mesure dans laquelle certains plats peuvent reposer sur la qualité des ingrédients.

Alex Cohen : Notre cheminement aurait assurément pu être mieux planifié. Lorsque nous sommes revenus à la maison, je travaillais dans un restaurant asiatique; notre voyage m’a donc inspiré plusieurs plats et m’a encouragé à utiliser de nouveaux ingrédients, de nouvelles méthodes et de nouvelles saveurs. Il m’a également aidé à me rendre compte que je n’exploitais pas mon potentiel au maximum et que je pouvais en faire beaucoup plus sur le plan culinaire. Et c’est sans compter toute la reconnaissance qu’il nous a poussés à avoir pour ce que nous avions, ce que nous sommes capables de faire et ce que nous pouvons accomplir au Canada.

Comment ces apprentissages vous ont-ils aidés à lancer votre prochaine initiative, à savoir votre service de traiteur?

Raegan Steinberg : Pendant nos voyages, nous avons essayé toutes sortes d’aliments incroyables. Lorsque nous sommes revenus à Montréal et avons lancé l’entreprise Back of House Catering, nous savions que nous voulions le faire d’une façon qui sortait de l’ordinaire. J’avais peur de ressembler à tous les autres services de traiteur, alors nous créions donc toujours de nouveaux plats et ne faisions jamais le même menu deux fois. Nous transformions des plats que nous aimions et des aliments que nous avions déjà goûtés pour les servir à notre façon.

Vous avez par la suite créé ce qui est maintenant l’Arthurs Nosh Bar, un comptoir à sandwichs de tradition juive situé à Montréal. Comment intégrez-vous vos inspirations asiatiques à votre menu, d’autant plus que bon nombre de vos plats sont fondés sur des recettes traditionnelles?

Alex Cohen : Comme nous avons également visité New York et Toronto, nous savions que certains plats offerts dans ces villes conviendraient mieux que d’autres. Nous avons également goûté à des plats que nous savions que nous pouvions améliorer.

Raegan Steinberg : Visuellement la soupe aux boulettes de matzah et les frites d’Alex ressemblent à de la soupe et à des frites ordinaires, mais l’approche qu’il prend pour les cuisiner rend leur saveur et leur texture incroyables.

Quelles difficultés avez-vous dû surmonter lorsque vous avez délaissé vos services de traiteur pour ouvrir un restaurant classique?

Alex Cohen : L’ouverture d’un restaurant vient avec son propre lot de défis, et ces défis nous ont permis de constater qu’un restaurant est beaucoup plus qu’une idée ou un projet issu d’une passion : c’est une entreprise. Il faut trouver un juste milieu entre passion, travail, affaires et possibilités. Nous devons donc nous demander tous les jours si nous souhaitons continuer à travailler dans la cuisine, sortir de la cuisine, accroître notre entreprise ou embaucher d’autres employés. Nous devons tenir compte de tous ces éléments auxquels nous n’avions pas besoin de réfléchir lorsque nous exploitions un service de traiteur.

Raegan Steinberg : Nous devons également trimbaler des produits, les emballer, les déballer et les réemballer plus souvent. Lorsque nous étions traiteurs, nos activités et notre personnel ne changeaient pas. Nous ne faisions pas constamment des pieds et des mains pour trouver des employés.

Décrivez comment vous transformez les plats traditionnels avec lesquels vous avez grandi. 

Alex Cohen : Ma mère appelle ce processus le « mélange des sangs ». J’essaie d’être le plus authentique possible et de respecter l’idée originale derrière un plat. Je cherche cependant à modifier les recettes de façon à ce qu’elles conviennent à notre alimentation moderne et non à ce que la grand-mère de ma grand-mère faisait. Par exemple, je marie des plats marocains que je mangeais quand j’étais enfant et des plats traditionnels que Reagan mangeait quand elle était enfant pour créer un plat homogène.

Raegan Steinberg : Notre schnitzel d’hiver en est un bon exemple, avec sa salade de pommes de terre bavaroise poêlée. On y retrouve des ingrédients que les membres de ma famille, originaire d’Europe de l’Est, mangeaient lorsqu’ils étaient jeunes, mais avec une salade de chou de style asiatique. Le chou n’est pas un ingrédient classique de ce plat, mais est le résultat du talent culinaire d’Alex.

Notre soupe au chou est un autre bon exemple. Ma grand-mère faisait une soupe au chou légère que nous mangions en grande quantité lorsque nous allions en Floride. La famille d’Alex a une version marocaine de cette soupe, composée de pois chiches et de lentilles. Nous avons donc mélangé les deux recettes pour créer notre propre soupe. Elle offre le côté sucré de la soupe au chou et les épices de la soupe marocaine, le tout dans une base de tomates. Le résultat? Une soupe encore meilleure que les soupes originales.

Quels rôles les épices et les assaisonnements jouent-ils dans votre menu, et quels produits utilisez-vous le plus?

Alex Cohen : Comme je suis marocain, les épices sont très importantes pour moi. Elles jouent un rôle très important dans le menu de l’Arthurs Nosh Bar. Nous utilisons notamment toujours l’assaisonnement ail rôti et poivrons de Club House. Par exemple, nous offrons un excellent sandwich au gravlax composé de fromage à la crème aux oignons caramélisés, que nous saupoudrons d’assaisonnement.

Comment votre vie à Montréal influence-t-elle votre restaurant, que ce soit sur le plan de l’approvisionnement, de l’inspiration culinaire, des marchés voisins ou de la population?

Raegan Steinberg : Nous ressentons beaucoup de pression à Montréal, car c’est une importante ville culinaire. Tous nos voisins, collègues et amis avec lesquels nous avons appris à cuisiner sont incroyables et font déjà partie de la liste des meilleurs restaurants au Canada; la barre est donc très élevée.

Parallèlement, les Montréalais savent apprécier la qualité des aliments. Une grande variété de clients provenant de diverses origines socioéconomiques et religieuses nous rendent visite. Notre clientèle est extrêmement diversifiée. C’est très gratifiant pour nous.

Alex Cohen : Ce que j’aime aussi de Montréal, c’est le mélange des cultures. Je ne peux pas cuisiner certains plats de façon aussi authentique que les résidents de leur pays d’origine. Comme nous sommes à Montréal, nous essayons d’utiliser les ingrédients que nous avons sous la main, ce qui donne lieu à des plats très montréalais, une ville reconnue pour ses immigrants et ses étrangers, qui forment une grande courtepointe. C’est incroyable, quand on y pense, parce qu’on peut y faire n’importe quel type de plats, pourvu que ce soit bon.

Y a-t-il des plats que vous aimez servir ou cuisiner, mais que vous ne pensez pas ajouter au menu prochainement? Pourquoi?

Raegan Steinberg : Lorsque nous avons ouvert le restaurant, il y avait des plats que nous adorions, mais qui n’étaient pas très populaires, comme notre saumon saumuré. À cette époque, nous devions jeter nos accompagnements de saumon saumuré à la fin de chaque semaine. C’était très dommage. Quelques New Yorkais en commandaient de temps en temps, mais les Montréalais qui nous rendaient visite ne l’appréciaient pas.

Alex Cohen : Nous avons déjà été la vedette d’un article dans le Globe & Mail; notre assiette de foie de poulet se trouvait d’ailleurs sur la page couverture. Pendant une semaine, de nombreux Torontois se sont déplacés pour y goûter, mais personne ne venait de Montréal. Tout le monde ici connaît la version française du foie de poulet, mais pas la version juive et marocaine.

Quels nouveaux ingrédients ou plats prévoyez-vous offrir, ou quelle sera votre prochaine réalisation?

Raegan Steinberg : L’hiver prochain, nous agrandirons l’Arthurs Nosh Bar. Nous y ajouterons une cuisine digne de ce nom et un bureau à l’étage, puis réorganiserons le rez-de-chaussée. Nous étudierons ensuite la possibilité d’ouvrir un autre Arthurs Nosh Bar, que ce soit à Toronto ou ailleurs.

Alex Cohen : Nous ne voulons pas ouvrir un autre Arthurs Nosh Bar à Montréal, car nous ne pouvons pas devenir une destination culinaire si nous y exploitons plus d’un emplacement. Comme je ne veux pas saturer la marque, j’aimerais ouvrir un autre restaurant ailleurs.

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