Redéfinir la scène gastronomique des provinces de l’Atlantique

Originaire de St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador, le chef Todd Perrin s’inspire du grand air des provinces de l’Atlantique pour créer de nouvelles saveurs et réinterpréter des classiques de la cuisine locale. Du plateau de Top Chef Canada aux cuisines du Mallard Cottage à St. John’s, Todd Perrin consacre sa carrière à l’expérimentation à partir d’ingrédients locaux et au partage des meilleures saveurs de sa province natale avec ceux qui lui rendent visite.

Nous nous sommes entretenus avec lui pour savoir ce qui caractérise les provinces de l’Atlantique, de leurs traditions bien ancrées à leurs plats savoureux.

Lorsque vous avez racheté le Mallard Cottage en 2011, vous avez voulu préserver les traditions terre-neuviennes. De quelle façon cette préservation se traduit-elle dans les menus que vous avez élaborés, notamment en termes de saveurs, d’ingrédients et de présentation?

Ce que nous essayons de faire, ici, au Mallard Cottage, c’est de réinterpréter les ingrédients traditionnels de différentes façons. Nous appliquons des techniques modernes à des produits que les consommateurs apprécient, comme le gibier, la morue et les fruits de mer. Beaucoup des ingrédients que nous choisissons sont bien connus des gens d’ici, mais nous les traitons d’une façon considérée comme très « 21e siècle ».

Le poisson cuit sous vide en est un bon exemple. Nous utilisons des produits de la mer que les gens mangent depuis toujours et nous les faisons cuire dans un bain d’eau à température contrôlée, ce que personne, ici, n’a jamais fait.

Vous dirigez le Mallard Cottage depuis six ans maintenant. Comment la scène culinaire des provinces de l’Atlantique a-t-elle évolué depuis votre arrivée?

Je pense que les provinces de l’Atlantique ont trouvé leur propre personnalité en tant que destination gastronomique. On met beaucoup plus l’accent sur les producteurs et les gibiers locaux, en particulier ici, à Terre-Neuve-et-Labrador. Cette partie du pays a toujours été un formidable réservoir de produits agricoles et d’élevage pour le Canada. La reconnaissance de l’Est canadien sur la scène de la restauration a considérablement progressé ces dernières années et elle continue de prendre de l’ampleur grâce à l’amélioration de notre situation économique et à la croissance du tourisme.

Compte tenu des changements que connaît la scène gastronomique dans les provinces de l’Atlantique, comment avez-vous fait évoluer vos techniques culinaires, vos saveurs et vos ingrédients pour amener la cuisine traditionnelle locale au niveau supérieur?

En tant que restaurant local, nous voyons Terre-Neuve-et-Labrador comme une province très cosmopolite et cela, depuis 500 ans. Nous utilisons beaucoup d’herbes, d’épices, de saveurs et d’ingrédients internationaux inusités comme le chili, le fenouil et la coriandre, qui sont souvent arrivés au Canada par le port de St. John’s. Ils sont venus s’ajouter aux ingrédients traditionnels d’ici : nous mélangeons par exemple du chili et des graines de fenouil pour préparer notre ceviche de flétan. 

À quel défi courant les chefs sont-ils confrontés lorsqu’ils expérimentent avec la cuisine des provinces de l’Atlantique et comment surmontent-ils ce défi?

L’approvisionnement en produits locaux de qualité est parfois compliqué. Notre province a de magnifiques produits, mais ne les distribue pas tous aux restaurateurs locaux, si bien que leur disponibilité peut être limitée.

Nous faisons aussi face à un autre défi : les goûts locaux évoluent, mais lentement. Les gens d’ici ne sont généralement pas très aventureux en matière de nourriture, mais les choses changent. Nous éduquons leur palais pour les ouvrir à différentes façons de préparer les produits et à différentes saveurs.

Quand nous avons inauguré le restaurant, nous étions fermement déterminés à faire découvrir nos produits et nos façons de faire. Cependant, le marché n’a pas répondu à cette proposition aussi favorablement que nous l’espérions, alors nous sommes revenus à des plats un peu plus traditionnels. Et puis, au cours des deux dernières années, nous avons commencé à réintroduire nos idées originales dans le menu, comme nous le souhaitions au départ. En fait, il faut permettre aux clients d’expérimenter différents styles et différentes recettes à leur propre rythme plutôt que de les gaver (métaphoriquement parlant, bien sûr).

Quels nouveaux ingrédients et nouvelles saveurs locales pouvons-nous nous attendre de voir se tailler un chemin jusqu’au centre de notre assiette?

Nous sommes toujours en quête de nouveaux produits et l’industrie terre-neuvienne du bœuf commence à faire sa place. Nous n’avons pas beaucoup de bœuf local, ici, mais nous travaillons avec quelques fermes et entreprises pour développer cette filière.

D’autres agriculteurs produisent aussi des ingrédients de plus en plus courants à Terre-Neuve-et-Labrador, comme le blé et les céréales brutes. Avec l’évolution de la scène agricole, nous voyons parfois ces agriculteurs venir vers nous pour nous proposer des produits qu’ils ont tenté de cultiver, ou encore de nouveaux produits. Cela dit, nous ne savons pas toujours ce qui sera disponible; c’est pourquoi nous créons nos menus quotidiennement en fonction de ce qui l’est. 

Comment définiriez-vous la cuisine des provinces de l’Atlantique aujourd’hui?

Cette définition est propre à chaque chef et chaque restaurant, mais selon moi, la cuisine et les chefs d’ici sont plus déterminés et plus indépendants, car nous n’avons pas à subir la pression des grandes villes, comme c’est le cas à Toronto ou à Vancouver. Ici, les restaurateurs jouissent d’une grande liberté et peuvent concrétiser leurs choix quant à ce qu’ils veulent faire et la façon de le faire. On peut conceptualiser un restaurant ou un style de cuisine et le proposer à ses propres conditions; c’est souvent ce qui se passe ici.

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