L’inattendu au menu

Véritable pionnière gastronomique, Elizabeth Falkner est une chef et une restauratrice plusieurs fois primée dont le parcours culinaire a commencé à San Francisco avant de la mener au cœur de « l’Empire State », à New York.

Farouche compétitrice en cuisine, on l’a vue dans les émissions « Sugar Showdown », « Top Chef Masters » et « Iron Chef America », tant à titre de concurrente que de juge. Elle a également été reconnue par la James Beard Foundation pour son travail au restaurant Citizen Cake de San Francisco.

Nous avons passé un moment avec Elizabeth Falkner pour parler de la façon dont elle a développé son propre style culinaire et de l’inspiration que les jeunes chefs peuvent puiser dans son amour des saveurs et de l’expérimentation.

Au cours de votre carrière, vous avez été tour à tour chef pâtissière, chef de cuisine, chef propriétaire, concurrente et enfin juge à Top Chef. Expliquez-nous quels ont été les effets de ces changements sur votre style de cuisine et sur les saveurs que vous créez.

Mentionnons d’abord que j’ai commencé dans un bistro à San Francisco avant de travailler en pâtisserie. Même si je n’avais jamais envisagé de devenir chef pâtissière, je me suis vite rendu compte que j’étais plutôt douée dans ce domaine. J’ai aussi offert des services de traiteur parallèlement à mon emploi, puis j’ai ouvert mon propre établissement en 1997, Citizen Cake. En 2005, j’ai été en nomination pour un prix de la James Beard Foundation, puis je suis devenue chef de cuisine et j’ai participé à plus de 40 émissions à titre de concurrente ou de juge.

Toutes ces expériences ont influencé mon style et mes compositions culinaires. Aujourd’hui, je ne suis jamais vraiment stressée quand je dois cuisiner sous pression, car en tant que chef pâtissière, j’ai appris à être très organisée et très disciplinée, ce qui m’a aidée à développer différentes techniques sur tous les plans. Mon travail a une esthétique qui se distingue de celle des autres pâtissiers, dans la mesure où mon style a toujours été très moderniste, par comparaison.

Que je cuisine sous pression, dans un restaurant, ou que je doive créer quelque chose en moins de 30 minutes à l’aide d’un nombre limité d’ingrédients à la télévision, j’apprends constamment.

Quels sont les techniques et les accords de saveurs que vous avez tirés de la pâtisserie et intégrés de façon surprenante à votre cuisine?

En tant que chef pâtissière, je n’ai jamais aimé les préparations exagérément sucrées – ça ne m’attire tout simplement pas. J’aime partir d’un classique et me demander ce qu’on pourrait faire d’autre avec. On ne peut pas se contenter de vendre des brownies ordinaires. Au lieu d’un gâteau au citron, pourquoi ne pas le faire aux fruits de la passion! Souvent, l’idée est d’ajouter un élément de surprise à quelque chose de familier. Je cherche à amplifier certaines tonalités et à en atténuer d’autres, un peu comme un ingénieur du son, mais pour la nourriture.

J’adore remodeler certains aspects des pâtisseries classiques pour créer une nouvelle architecture gustative, ce qui m’aide aussi lorsque je cuisine des plats salés. J’essaie aussi d’incorporer beaucoup d’épices et d’herbes dans ce que je fais et je m’intéresse à différentes cultures, à différentes langues et à différents peuples pour comprendre les fondements de leur cuisine et de leurs plats afin de pouvoir les réinterpréter sans les trahir.

Quel est votre processus de création de saveurs lorsque vous élaborez un nouveau plat? Est-il différent selon que vous créez quelque chose de sucré et quelque chose de salé?

Mon processus consiste à faire table rase de ce qui a déjà été fait. Souvent, les menus et les plats auxquels je m’attaque ont été exploités de toutes les façons possibles; je les transforme donc en quelque chose d’inattendu. Parfois, je découvre des ingrédients dont je n’ai jamais entendu parler, comme l’argousier, je les essaie dans différents plats et ils m’inspirent tellement que je ne me lasse pas de les utiliser! J’aime beaucoup expérimenter, tester une variété de plats et d’ingrédients pour voir jusqu’où je peux aller avec les saveurs. 

Quel conseil donneriez-vous aux chefs qui souhaitent expérimenter en offrant des saveurs différentes sur leur menu?

Je leur dirais qu’il faut d’abord bien comprendre les bases des différentes cuisines et travailler à partir de là.

Qu’on parle d’une pâtisserie inspirée d’un plat salé ou d’un cocktail inspiré d’un dessert, les aspirants chefs doivent proposer des choses qui peuvent être comprises. Ils doivent étudier, approfondir leur connaissance d’un ingrédient donné; c’est à ce prix qu’ils pourront expérimenter. Même si nous aimerions tous pouvoir le faire, s’engager dans des expériences folles sans préalable peut s’avérer frustrant. L’expérimentation exige un encadrement, comme toute autre discipline.

Que vous soyez étudiant en musique, en danse ou en cuisine, vous ne pouvez pas devenir bon sans supervision, sans planification et sans pratique.

Quels sont votre saveur et votre plat signature?

Ils ont évolué au fil des ans, mais ce que je fais souvent, si j’en ai l’occasion, ce sont des crèmes glacées salées. Entre autres créations, j’ai proposé des saveurs personnalisées à la portion, comme avec mon bagel plein-goût et sa crème glacée au fromage à la crème. J’adore ce genre de créations qui prennent les gens par surprise.

Vous avez déjà un parcours à faire rêver la plupart des chefs. Dites-nous, que nous réserve encore Elizabeth Falkner, la pionnière gastronomique?

C’est une des grandes questions que je me pose, en ce moment. Je me suis rendu compte que j’ai quitté le dernier restaurant que j’ai ouvert ici, à New York, il y a déjà trois ans et depuis, je n’ai pas vraiment eu envie d’en ouvrir un autre.

En ce qui concerne l’avenir, j’ai écrit des mémoires, qui seront publiées plus tard cette année. Je travaille aussi sur un projet appelé « Paradigm » avec mes frères. Il s’agit d’une présentation artistique sur la nourriture, en dehors du contexte du restaurant. J’adore les restaurants et les bons repas, mais je veux parler des enjeux actuels, un peu comme une galerie d’art le ferait avec une installation. Nous utiliserons des techniques audiovisuelles et nous proposerons des dégustations, mais sans la partie assise.

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