L’avenir de la cuisine canado-asiatique

Natif de Hong Kong, le chef Andy Yuen a déménagé en Saskatchewan avec sa famille en 1996. Ayant passé sa jeunesse à travailler dans les cuisines pour ses oncles et ses parents, il a fait ses études en ingénierie. Cependant, après le ralentissement du secteur minier et la vente du restaurant de ses parents, Andy s’est tourné vers une nouvelle carrière pour ouvrir le restaurant The Odd Couple, avec son épouse, en 2014.

Nous nous sommes entretenus avec le chef Andy pour en savoir plus sur sa façon d’intégrer sa culture à sa cuisine tout en utilisant des ingrédients provenant de Saskatoon et du Canada.

Odd Couple propose des plats d’inspiration asiatique avec une touche canadienne. Comment vous est venu ce concept?

Curtis, mon propriétaire, et moi avions l’habitude de boire pas mal de bières dans un pub irlandais appelé The Yard and Flagon. Je me suis toujours demandé de quoi aurait l’air une version asiatique d’un pub.

Curtis est devenu promoteur, a trouvé un endroit et l’occasion s’est présentée. Nous avons vendu le restaurant de mes parents et ouvert Odd Couple. C’est un restaurant plutôt qu’un pub, mais nous offrons du vin, de la bière et des cocktails.

Nous tentons de proposer des produits canadiens aux saveurs asiatiques. Voilà comment, à mon avis, nous faisons évoluer la cuisine canado-asiatique, au lieu d’offrir simplement du riz frit, des boulettes de poulet et du chop suey traditionnels.

Nous tenons à adopter des ingrédients locaux tout en utilisant les saveurs asiatiques que j’ai connues dans mon enfance ou que nous avons découvertes en voyageant. 

Votre menu s’inspire des cuisines cantonaises, vietnamiennes et japonaises. Comment vous y prenez-vous pour créer vos saveurs?

Je suis né et j’ai grandi à Hong Kong, ma femme vient de Chine et mon personnel de cuisine est surtout d’origine cantonaise. L’un de mes cuisiniers est aussi d’origine sino-vietnamienne.

Avant la pandémie, nous retournions à Hong Kong chaque année en janvier. Nous aimons voyager et découvrir différents profils de saveur. Nous sommes aussi allés au Japon et au Vietnam. Nous avons voyagé avec un chef thaï à la retraite, il y a trois ans, et avons mangé dans la région de Bangkok pendant quatre jours.

Voilà les profils de saveur que nous souhaitons rapporter à Saskatoon, en utilisant des ingrédients de la Saskatchewan ou du reste du Canada. Nous proposons par exemple des côtes levées thaïes à l’érable. Au lieu de servir le traditionnel porc aigre-doux, nous marions le sirop d’érable et la sauce soja pour créer une saveur unique. Nous avons aussi beaucoup de camerises de Saskatoon. Nous nous en servons pour préparer de la sauce hoisin, pour le flanc de porc, et de la confiture, pour les cocktails. 

Pour la viande, nous collaborons étroitement avec une ferme locale. Nous employons beaucoup d’herbes et d’épices asiatiques, comme le basilic thaï, le galanga, le chili thaï, la citronnelle et le gingembre. Je me rends aussi aux Pineview Farms, où l’on utilise nos épices pour faire des saucisses. 

Quelles sont vos différentes techniques de cuisson?

Pour la cuisine chinoise, nous utilisons un wok et une chaleur intense. Les ingrédients y caramélisent beaucoup plus vite qu’à la cuisinière. Nous faisons aussi beaucoup de friture et de braisage. 

De temps en temps, nous cuisons à la vapeur. Les Cantonais aiment la cuisson à la vapeur et les sautés. Comme notre cuisine est surtout cantonaise, nous employons donc ces techniques de cuisson avec des ingrédients locaux, comme nous le ferions avec des ingrédients asiatiques. 

Quelles difficultés liées aux saveurs avez-vous rencontrées en combinant des ingrédients asiatiques et canadiens? Comment les avez-vous surmontées?

À mon avis, la saveur ne pose pas de problème, c’est plutôt la texture qui ne répond pas toujours à nos attentes. À Hong Kong, le poulet est souvent cuit entier, à la vapeur, et mangé avec la peau. Mais elle n’est pas croustillante, comme l’aiment habituellement les Nord-Américains. 

De même, il arrive souvent dans la cuisine cantonaise que la viande soit servie avec l’os. Mes clients préfèrent de la viande sans os ni peau. En cuisant de la viande sans peau, la chair peut s’assécher et il est difficile de la garder tendre. 

Le midi, nous proposons un plat appelé « porc et poulet sur riz façon Hong Kong ». J’en ai beaucoup mangé dans mon enfance. On le servait avec les os et la peau. Mais, en raison des préférences des Canadiens, j’ai adapté le plat en utilisant une poitrine de poulet grillée. Nous le servons avec du chutney au gingembre pour que mes clients puissent comprendre le profil de saveur dont je veux les régaler. 

Comment avez-vous réussi à vous adapter pour rester ouvert pendant la pandémie?

Nous sommes très reconnaissants envers nos clients, ils sont extraordinaires et nous appuient. En fait, nous avons fermé notre restaurant avant que le demande le gouvernement de la Saskatchewan. Nous ne trouvions pas sécuritaire de maintenir nos activités à l’intérieur et avons donc servi nos derniers repas le 16 mars.

Le lendemain, nous nous lancions dans les plats pour emporter et la livraison. Nous ne l’avions jamais fait et nous avons demandé à nos serveurs de se faire livreurs. Ma femme et moi avons un deuxième véhicule que les serveurs peuvent emprunter, au besoin. 

Tout a bien fonctionné jusqu’à l’été, quand d’autres restaurants ont rouvert. Nous avons été l’un des derniers à rouvrir pour les repas sur place, parce que nous respectons des protocoles très stricts. L’un de nos cuisiniers est au début de la soixantaine, je voulais donc assurer notre sécurité et prendre le temps d’évaluer la situation. 

La capacité étant réduite à l’intérieur du restaurant, nous arrivons grâce aux plats pour emporter et à la livraison. La réaction a été excellente, nos clients sont incroyables. 

Que nous réserve Odd Couple? Quelle croissance souhaitez-vous pour votre entreprise?

Ce mois-ci, nous avons lancé un projet de « voyages avec Odd Couple », puisque personne ne peut se rendre à l’étranger. Il s’agit d’un menu mensuel inspiré de destinations que nous avons visitées au cours des dernières années, surtout en Asie, dont le Sud-Est. Ce mois-ci, le Vietnam est à l’honneur.

Nous collaborons aussi avec des fournisseurs locaux pour ce projet. Par exemple, nous proposons de la crème glacée inspirée par la destination, et fabriquée par Fable Ice Cream. Mon voisin, 9 Mile Legacy Brewery, brasse une bière pour chaque destination, et les Pineview Farms nous approvisionnent en viande pour tous les menus. 

Le projet a suscité une belle réaction, jusqu’ici, et nous avons hâte au menu de novembre, dont la destination sera Hong Kong. En décembre, ce devrait être la Thaïlande.

Avant la pandémie, je réfléchissais à la manière de prendre de l’expansion. Nous avons différentes idées de plats, mais nous voulons survivre à la tempête et voir de quoi sera fait l’été avant de nous lancer dans un projet à long terme. 

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