From the Wild : une exploration culinaire des aliments sauvages

En 2005, Kevin Kossowan a commencé à tenir un journal en ligne où il parlait de sa vie, de l’alimentation et de l’agriculture dans sa région. Aujourd’hui propriétaire d’une société de production du nom de Story Chaser Productions, la plus grande réalisation de Kevin à ce jour demeure sa série documentaire « From the Wild », qui nous fait découvrir les pratiques et les techniques culinaires liées à la chasse, à la pêche et à la cueillette d’aliments sauvages.

Kevin et ses collègues ont aussi travaillé en collaboration avec l’Université de l’Alberta, le City of Edmonton Food Council, l’Alberta Culinary Tourism Alliance et de nombreux chefs et experts culinaires, dont les partenaires de la série « Cook It Raw ».

Nous avons parlé avec Kevin de ce qui a inspiré sa série sur la cuisine à base d’aliments sauvages et des avantages que les chefs peuvent tirer de ces aliments en cuisine.

Votre série « From the Wild » convie des acteurs de l’industrie alimentaire à une exploration des aliments sauvages qu’ils peuvent trouver dans leur environnement. Qu’est-ce qui vous a incité à créer cette série captivante sur la nature et la vie sauvage et qu’espérez-vous que les chefs tireront de ces expériences?

L’idée m’est venue en grandissant en Alberta, où peu de gens s’intéressaient à l’exploration culinaire, surtout en ce qui concerne les aliments sauvages. La plupart des émissions de chasse et pêche que je voyais montraient en boucle des poissons sortis de l’eau et des animaux abattus pour se terminer sur des panaches et de beaux génériques, mais rien de ce qui se passait ensuite. Nous avons donc réalisé le premier épisode de la série et nous voilà, 47 émissions plus tard.

Nous avons invité des chefs à participer à cette série parce que ceux que je fréquentais, à l’époque, connaissaient peu les espèces que nous rencontrions. Ils avaient beaucoup à apprendre sur les différentes variétés de poissons, de volailles, de plantes et de champignons sauvages à un moment où le terme « produit local » faisait sensation. Un produit local, c’est beaucoup plus qu’un porc bien élevé ou un légume cultivé dans votre coin de pays. C’est comprendre l’écologie de l’endroit où l’on vit et savoir cuisiner dans cet espace.

Chacune de vos aventures met en vedette un plat particulier tiré de l’abondance qui vous entoure. Expliquez-nous comment l’environnement influence les techniques culinaires et les saveurs que vous utilisez. Donnez-nous des exemples.

Tout d’abord, l’assiette doit contenir des produits de l’écologie environnante; si vous êtes dans une forêt boréale en automne, vous pouvez manger du cerf de Virginie, que vous pouvez accompagner de coprins chevelus et d’autres légumes verts. Idéalement, votre plat doit être entièrement composé de produits que vous trouvez sur place et c’est ce que nous cherchons de plus en plus à faire, tout en laissant le contrôle de la création à ceux qui nous accompagnent, notamment nos chefs invités.

Les chefs sont libres de faire ce qu’ils veulent, mais les choses peuvent parfois se compliquer, par exemple quand ils doivent préparer un plat à partir d’un orignal : comment cuisiner un grand animal âgé et rempli de testostérone? Il faut réfléchir à la façon de travailler l’animal et explorer différentes techniques de cuisson. On ne se contente pas de couper un morceau de viande et de le faire griller sur le feu. Nous travaillons aussi beaucoup avec les résidus de coupe pour contrer le gaspillage alimentaire, une pratique répandue quand on parle d’aliments sauvages. Nous essayons de nous servir de pièces que d’autres jetteraient à la poubelle – comme les pattes de bernache – et d’en faire quelque chose de délicieux.

Quels sont les défis que les chefs doivent garder à l’esprit pour conserver l’intégrité des aliments sauvages issus de la chasse, de la pêche et de la cueillette?

Chaque aliment exige une approche différente. Il faut connaître les espèces et leurs particularités pour éviter que l’animal ou l’ingrédient ne pourrisse.

Chaque aliment sauvage présente un défi qui lui est propre, c’est pourquoi je pense que l’aspect mentorat a beaucoup d’importance. Nos invités sont toujours accompagnés d’une personne qui connaît bien les aliments présents dans un environnement particulier et sait comment les traiter. Beaucoup de gens ont l’expérience de la chasse, de la pêche ou de la cueillette, mais partir en nature avec une personne qui comprend vraiment les besoins de chaque espèce est un défi complexe.

Aujourd’hui, les chefs ne peuvent pas toujours pratique la chasse, la pêche, la cueillette et l’élevage. Comment peuvent-ils intégrer ces techniques en cuisine?

Il existe d’excellents fournisseurs d’aliments sauvages au Canada, qui disposent d’un réseau de cueilleurs de champignons, de légumes verts et d’herbes sauvages vendus dans des magasins-entrepôts. Dans l’Est canadien, on trouve Forbes Wild Foods, et dans l’Ouest, Untamed Feast, par exemple. Il existe aussi de nombreux groupes de cueillette qui peinent à établir des relations d’affaires avec la communauté culinaire parce qu’ils sont relativement inconnus. En tant que chef, je commencerais par là pour découvrir des aliments de saison, me les procurer à prix raisonnable et les travailler en cuisine.

En ce qui concerne la pêche, les chefs ont accès à de nombreuses espèces de poissons sauvages, en particulier dans les régions où l’on trouve beaucoup de lacs, comme l’Alberta. Côté viande, c’est un peu plus compliqué, car on ne peut s’approvisionner qu’en animaux d’élevage comme le bison, le wapiti et certaines autres espèces.

Pour aller plus loin, il faut découvrir et apprendre par soi-même ce que l’écologie locale est en mesure de fournir. On ne peut pas simplement abattre un cerf et le mettre au menu – ce serait illégal.

Quel nouveau territoire culinaire inexploré aimeriez-vous faire découvrir aux spectateurs de « From the Wild » et pourquoi?

L’océan Pacifique, où nous avons passé un moment l’été dernier. Nous avons été stupéfaits de constater que l’on peut manger différentes espèces sauvages marines, mais pas terrestres, du moins pas légalement. On ne peut pas servir d’orignal sauvage en Alberta parce que c’est illégal, mais en Colombie-Britannique, on boude une espèce locale pourtant légale comme l’aiguillat, simplement parce qu’elle est méconnue. Nos océans recèlent une grande diversité d’animaux délicieux qui sont négligés, ou bien capturés et jetés.

Nous nous posons des questions philosophiques sur ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas, sur la façon de valoriser des aliments que les pêcheurs considèrent comme bons pour la poubelle. Nous nous demandons aussi comment faire diminuer la pression sur certaines espèces qui obsèdent les gens pour nous concentrer sur des espèces plus courantes et rendre ainsi la chaîne alimentaire plus durable. Nous projetons donc de découvrir et d’explorer cette nouvelle frontière qu’est l’océan Pacifique.

Passer au contenu principal(Skip)