Des secrets de professionnel pour développer des programmes de restauration durables

Depuis son enfance dans les Maritimes, le chef de cuisine Murray McDonald entretient un amour des ingrédients frais et locaux qui l’a porté de l’île de Terre-Neuve jusqu’à la jungle urbaine de Toronto, aux commandes du restaurant Cluny, un bistro classique du district historique de la Distillerie.

Lors de son passage au luxueux et renommé Fogo Island Inn, Murray McDonald a contribué à hisser le restaurant aux classements des meilleurs nouveaux restaurants du magazine enRoute, des 50 meilleurs restaurants du monde et des 100 meilleurs restaurants du Canada.

Nous avons récemment discuté avec Murray McDonald afin d’en apprendre un peu plus sur ce qui lui inspire ses rafraîchissantes saveurs et sur l’influence considérable de ses origines rurales sur la durabilité et le succès culinaire de son restaurant.

Vous avez voyagé aux quatre coins du monde et travaillé dans quelques-unes des cuisines les plus renommées, du Fogo Island Inn au Cluny, deux établissements dotés de programmes de restauration très distinctifs. Quel processus suivez-vous pour créer un nouveau programme culinaire et quels sont les éléments dont vous tenez compte?

Pour moi, tout relève de mes nombreuses années passées au fourneau. Je viens d’une petite ville de Terre-Neuve où les repas familiaux occupaient une place importante dans ma vie. J’ai commencé mon apprentissage professionnel à l’école culinaire de l’Île-du-Prince-Édouard. J’y suis resté pour travailler, avant de partir en Ontario, puis de quitter le Canada pour cuisiner aux Bermudes, à Grand Caïman, aux îles Cook dans le Pacifique Sud, en Nouvelle-Zélande et au Mexique.

Mes voyages m’ont appris que pour élaborer un produit ou un programme culinaire, il faut aller dans un endroit et simplement essayer de tout absorber : la couleur locale, les gens, la dynamique de la restauration et les produits disponibles dans la région.

Après avoir parcouru le monde, je suis revenu à Terre-Neuve et c’est là que je me suis demandé comment faire valoir Terre-Neuve à l’étranger. Nous avons approfondi la question en fouillant dans les recettes de nos grands-parents; personnellement, mes plus fortes influences me sont toujours venues de mes grands-parents. Nous avons contacté de nombreux grands-parents et découvert petit à petit leurs histoires, les recettes les plus oubliées et la philosophie de leur survie.

Arrivé à Toronto et au Cluny, où les entreprises de produits gastronomiques, de livraison, de produits laitiers et autres ne manquent pas, j’ai également eu le plaisir de reprendre un restaurant déjà établi et renommé, et de pouvoir déterminer quels étaient les plats classiques, appréciés et immuables ou, en revanche, les plats qu’on pouvait supprimer, améliorer ou garder en saison. À travers tout cela, nous tenons à garder notre caractère français, décalé et décontracté, à tout fabriquer nous-mêmes et à accueillir les clients qui viennent en famille dans le district de la Distillerie pour bien manger et s’amuser.

Dans chaque coin du monde où vous avez travaillé, vous avez dû composer avec des cultures et des milieux radicalement différents. Quelle incidence votre environnement a-t-il eue sur vos programmes culinaires en ce qui concerne le choix des ingrédients et des saveurs?

Chaque lieu est différent. À Terre-Neuve, on est en pleine nature et on s’inspire de cet aspect, de la ruralité, de la beauté, de ce qui nous a été donné pour survivre, de toutes ces choses qui, au fil du temps, ont fait de la cuisine locale ce qu’elle est maintenant.

Lorsqu’on est en ville, on veut essayer de transporter les gens ailleurs. C’est pourquoi, au Cluny, nous nous demandons : « comment, avec une cuisine originale et décontractée, pouvons-nous transporter les clients en France depuis le centre-ville de Toronto? » Ensuite, nous nous inspirons de ce qui nous entoure et des nouveaux arrivages de nos fournisseurs.

Quel est l’ingrédient ou la saveur la plus exceptionnelle que vous ayez trouvée depuis votre arrivée à Toronto?

En arrivant au Cluny, j’ai eu le grand bonheur de voir de la morue salée au menu, puisqu’il s’agit d’un des ingrédients les plus typiques de Terre-Neuve; je l’ai même fait tatouer sur mon bras. Mais en fait, j’avais oublié que la morue salée était un produit courant dans plusieurs régions d’Europe et de France. Comme le Cluny avait des beignets à la morue salée au menu, j’ai pu ajouter des œufs à la morue salée, façon bénédictine, au menu du brunch.

Ce n’est pas nécessairement un nouvel ingrédient, mais il m’est tellement familier et il crée un pont entre ma jeunesse à Terre-Neuve et la cuisine française décalée du restaurant.

Maintenant que vous êtes installé à Toronto, où trouvez-vous les saveurs inspirantes qui font évoluer vos programmes culinaires afin de continuer d’étonner votre clientèle?

Pour cela, nous avons un petit potager où nous cultivons des fines herbes, et nous jouissons aussi d’une excellente collaboration avec des fournisseurs de produits frais de partout en Ontario. En outre, la Distillery Restaurant Corporation organise des visites chez les fournisseurs à l’intention des restaurateurs et de leurs employés. C’est ainsi que nous avons visité les installations de fournisseurs de fruits, de produits alimentaires et de vins du comté de Prince-Édouard, notamment l’établissement vinicole de Norman Hardie et le verger Campbell’s. Nous visitons également des pizzérias, des fromageries et des boucheries. Moi et mon équipe avons ainsi l’occasion de rencontrer nos fournisseurs, de leur dire bonjour et d’associer des visages aux personnes avec qui nous faisons affaire.

Finalement, ces excursions nous montrent d’où proviennent nos aliments et comment ils sont élevés ou fabriqués, ce qui nous amène au bout du compte à consacrer plus d’amour et de soins à ce que nous créons au restaurant. Globalement, tout cela m’inspire beaucoup. 

Avez-vous quelques conseils et mises en garde à formuler à l’intention de vos pairs chefs de cuisine qui essaient de développer leur propre programme de restauration durable?

Je leur dirais d’essayer sans relâche et de ne jamais adopter une attitude suffisante. Il faut toujours essayer de faire avancer les choses, épouser les changements et l’imperfection, éviter de brûler les étapes et trouver ce qui est durable et convient le mieux à vos plats et à votre restaurant. Continuez sans cesse à apprendre, même de vos propres employés.

La sécurité alimentaire peut présenter la plus grande difficulté, surtout en milieu rural comme à Terre-Neuve, où il suffit d’un bris de traversier pour perdre une tonne d’aliments. J’espère qu’elle deviendra un jour un acquis pour tous.

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