Des plats réconfortants réinventés

Le chef Ted Corrado, qui a grandi à Toronto et été sensibilisé très tôt à la cuisine multiculturelle, a entamé sa carrière culinaire urbaine en 1998. Ancien chef de cuisine du c5 Restaurant du Musée royal de l’Ontario et membre de l’Ontario Hostelry Institute, il a développé son palais et son savoir-faire au travers des valeurs communautaires et de goûts étonnants.

Aujourd’hui chef de cuisine des établissements Drake, Ted Corrado et son équipe ont développé des relations fructueuses avec des spécialistes et des producteurs issus de différentes sphères dans le cadre de leurs activités au Drake Hotel, au Drake Commissary voisin et au Drake Devonshire, dans le comté de Prince Edward.

Nous nous sommes entretenus avec lui pour savoir comment il a su se démarquer grâce à ses plats réconfortants aussi réputés que recherchés et comment il veille à l’uniformité de la cuisine et au travail d’équipe dans les établissements Drake.

Vous êtes reconnu pour votre capacité à stimuler l’intérêt des clients en apportant votre touche très personnelle à des plats réconfortants classiques. Qu’est-ce qui vous a inspiré ce genre de cuisine?

Chez Drake, nous cherchons toujours à séduire nos clients en leur offrant des repères familiers, mais aussi en les surprenant. En ce qui concerne la nourriture, nous partons donc de classiques, que nous transformons ou auxquels nous apportons une touche inattendue afin de leur faire vivre un moment mémorable.

J’ai la chance de disposer d’un espace de travail qui me permet de faire des expériences et d’une équipe de chefs incroyables avec lesquels je collabore à la création des menus. Je ne veux pas d’un environnement où le personnel a simplement un rôle d’exécutant. Nous travaillons tous ensemble à l’élaboration des plats.

Récemment, par exemple, nous étions au Drake Devonshire et nous sommes allés rencontrer un agriculteur qui va nous fournir des fruits et légumes frais cet été. Ce sont des moments d’inspiration où les forces s’unissent : les chefs, les fournisseurs, les produits de saison. C’est là que tout commence, chaque fois.

Expliquez-nous de quelle façon vous optimisez les saveurs de plats populaires à l’aide de techniques comme la fermentation et la cuisson lente.

Pour réussir un plat, il faut lui donner de l’amour; il faut être prêt à consacrer du temps aux processus de fermentation, que ce soit pour les légumes, le pain, ou la charcuterie. Rien n’est laissé au hasard. Au Drake Commissary, nous mettons le temps qu’il faut et nous disposons de l’espace nécessaire pour élaborer nos profils de saveur.

On peut par exemple sentir l’acidité dans notre levain, car il a été vieilli quatre ans; or l’intensité du goût ne vient qu’avec le temps. On ne peut ni la simuler ni l’accélérer.

Notre poitrine de bœuf est un autre bon exemple de notre façon de travailler. Son profil de saveur est issu d’un processus qui s’étend sur 14 jours et qui comprend le saumurage, le vieillissement et le fumage, puis la cuisson lente. Pourrions-nous la préparer en cinq ou six jours? Sans doute, mais je ne pense pas que nous aurions le même profil.

En définitive, je crois que tout repose sur notre engagement et notre capacité à le respecter.

Quand vous élaborez vos menus, vous choisissez des ingrédients locaux issus de la production durable. Selon vous, comment ces ingrédients influencent-ils le profil de saveur général de vos plats?

Tout dépend des produits saisonniers disponibles à tel ou tel moment; ils influent énormément sur les profils de saveur. Je ne servirais pas des fraises en février; ce ne sont pas des fruits de saison et ça n’aurait pas de sens. Cela dit, je peux préparer de la confiture de fraises et la mettre en conserve en saison pour la proposer l’hiver venu.

Il est important d’utiliser les bons ingrédients au bon moment, de profiter de la période où ils sont disponibles et de trouver le moyen de prolonger leur durée de vie, soit en les marinant, soit par la fermentation.

Expliquez-nous comment vous avez réussi à appliquer votre style de cuisine à l’ensemble des établissements Drake. Par exemple, comment vous y êtes-vous pris pour assurer la constance des goûts de vos menus d’un établissement à l’autre?

Je travaille en étroite collaboration avec une équipe très compétente et ça commence dès l’embauche. Je cherche des gens qui ont le même état d’esprit que moi, qui croient au développement durable, à l’amour de la nourriture, et qui ne prennent pas de raccourcis.

C’est ainsi que je procède depuis un moment, maintenant, et quand une entreprise grandit, comme c’est le cas de Drake, elle doit tôt ou tard décider des solutions à mettre en œuvre pour assurer l’uniformité de ses saveurs et de son exécution. Certaines entreprises choisissent de se faire livrer des produits par camion, car elles savent exactement à quoi s’attendre, ces produits étant fabriqués hors site.

Heureusement, Drake croit en ma philosophie de l’alimentation et nous avons opté pour la voie contraire : nous avons pris les dispositions nécessaires pour être autosuffisants. Je peux aussi compter sur des chefs qui pensent de la même façon que moi et avec qui je travaille en étroite collaboration.

Quels sont le plat et la saveur emblématiques du chef Ted Corrado?

Je suis plutôt fier du Drake Burger. C’est un plat vedette dont j’ai hérité en arrivant au Drake, mais j’ai pu lui apporter ma touche personnelle. J’ai commencé par faire appel à un fournisseur de bœuf qui pratique l’élevage durable. Steven Alexander, de Cumbraes, et moi avons travaillé ensemble sur la composition de notre galette de bœuf, soit les proportions de bouts de côte, de poitrine et de gras qu’elle contient. Ensuite, j’ai commencé à faire du pain pour The Drake, si bien que nous servons le Drake Burger sur nos propres pains à hamburger. Le style du burger proprement dit n’a pas changé; c’est toujours une galette de bœuf, du bacon, du fromage, de la sauce russe et un petit pain, mais il porte maintenant ma marque un peu partout.

Quant à ma saveur emblématique, je dirais que c’est la cuisine torontoise. Je suis né à Toronto, j’y ai grandi, j’ai cuisiné et je cuisine encore ici et mon profil de goût reflète le temps que j’ai passé dans cette ville. Quand j’étais jeune, je savais où aller pour manger de la bonne cuisine coréenne, où trouver un bon restaurant indien et où déguster ma pizza préférée, si j’avais envie de manger italien. C’est ainsi que j’ai développé mon goût et mon palais, en ayant accès à tous ces quartiers uniques et différents. Cette diversité, on la retrouve aujourd’hui dans ma cuisine. Je n’ai pas peur d’utiliser des saveurs ou des épices riches et intenses. Au contraire, je m’inspire de mes expériences dans cette ville multiculturelle qu’est Toronto pour créer mes menus.

Quelles nouvelles saveurs et quels nouveaux ingrédients peut-on s’attendre à trouver au menu des établissements Drake?

On associe généralement les grands classiques de la cuisine à la gourmandise ou à la nostalgie de l’enfance, mais ils ne sont pas toujours très santé. Nous nous sommes donc demandé comment créer des versions plus saines de ces plats.

Nous avons par exemple une salade César qui ne contient pas de vinaigrette César, mais si vous l’essayez, elle a exactement le même goût. Nous avons fait fermenter de la vinaigrette pour romaine pour lui donner cette richesse, cette profondeur de goût et cette texture crémeuse qu’on associe à la vinaigrette César classique. Et nous avons remplacé les anchois par des algues, pour la saveur umami.

Le printemps est une période extraordinaire lorsque la rhubarbe et les asperges commencent à pousser. C’est comme un Noël qui se prolonge plusieurs mois, jusqu’en été; c’est le moment idéal, en Ontario. Au-delà des ingrédients, je suis emballé par le printemps, car je suis en relation avec de nombreux agriculteurs du comté de Prince Edward, qui plantent des semences pour nous cette année. Je regarde les semences avec eux pour voir s’ils peuvent produire quelque chose de jamais vu sur un menu.

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