Cuisiner Sage À Whistler

Le chef Nick Cassettari a quitté la scène culinaire de Sydney, en Australie, pour s’installer à Whistler, dans les Rocheuses canadiennes, avec quelques restaurants étoilés au Guide Michelin à son actif. Il a apporté avec lui son expertise de la cuisine gastronomique, qu’il conjugue avec une seule et unique règle : n’utiliser que des produits locaux.

Dans un lieu aussi saisonnier, le défi était de taille pour un chef, quel qu’il soit. Nous avons donc fait une halte à l’Alta Bistro, où travaille Nick Cassettari, pour en savoir davantage sur la façon dont il jongle avec son menu, remplit les estomacs et veille au succès de l’établissement.

Décrivez-nous, dans vos mots, le début de votre parcours culinaire et ce qui vous a mené à l’Alta Bistro, à Whistler, en Colombie-Britannique.

Je suis venu ici pour six mois de vacances de ski après avoir travaillé dans plusieurs restaurants étoilés au Guide Michelin. J’avais besoin de faire une pause, alors je me suis mis à la planche à neige et j’ai découvert qu’à Whistler, il était possible de combiner ce sport et la cuisine. Les montagnes sont tout près – je peux faire de la planche avant de travailler, puis passer en cuisine pour préparer les plats que j’aime en fin de journée. 

J’ai donc commencé à travailler dans des restaurants dans des villes touristiques, puis dans divers établissements de Whistler. Alors que j’étais sous-chef au Nita Lake Lodge, j’ai appris par ma femme, qui travaillait à l’Alta Bistro, que le restaurant était à la recherche d’un chef. J’avais seulement 27 ans à l’époque, mais j’avais de l’expérience, et les propriétaires m’ont donné la chance de leur montrer de quoi j’étais capable. Je travaille à l’Alta Bistro depuis ce moment-là et j’adore ce que je fais.

L’Alta Bistro est présenté comme un restaurant de cuisine française moderne haut de gamme. Qu’est-ce qui vous attire le plus dans ce type de cuisine?

J’aime la précision et l’exactitude de la cuisine française, qui est à la base de ma formation, mais ce n’est pas ce que nous offrons ici, à l’Alta Bistro. Notre cuisine est plutôt saisonnière et varie selon les ingrédients disponibles. J’utilise des produits locaux et saisonniers, et rien d’autre; j’intègre cependant des techniques de cuisine française à nos plats. J’aime appliquer ces techniques à de tels ingrédients – c’est un type de cuisine qui privilégie la pureté. C’est aussi une approche très réfléchie; on ne peut pas sauter d’étapes.

À mes débuts dans le métier, en Australie, à 18 ans, j’ai travaillé dans un restaurant du nom de Quay, à Sydney. Je venais de terminer mon apprentissage, et ça m’a vraiment ouvert les yeux sur ce qu’était la nourriture et comment elle pouvait changer notre vie. Qui plus est, manger est un besoin. À l’Alta, c’est ce que nous faisons : nous offrons de délicieux plats qui comblent l’appétit des skieurs affamés tout en y ajoutant ce petit quelque chose qui les rend plus intéressants. En fin de compte, j’aime cuisiner des choses simples en leur ajoutant ma touche personnelle.

Pouvez-vous décrire les processus et les techniques que vous employez pour créer les saveurs que l’on retrouve au menu de l’Alta Bistro? Y a-t-il des choses que vous aimeriez essayer dans un avenir proche?

Comme tous nos ingrédients sont influencés par les saisons, je ne change qu’un plat à la fois sur le menu. Quand un ingrédient n’est plus de saison, je me demande toujours par quoi le remplacer. Par exemple, c’est actuellement la saison des pleurotes. Je vais donc créer un plat de pleurotes karaage en utilisant une pâte à frire au levain, pour lui donner du caractère.

Nous avons passé de nombreuses années à tisser des relations avec des agriculteurs locaux comme Edible Eden Farm, qui nous vendent littéralement toute leur production. Ces producteurs nous livrent directement les ingrédients que je leur ai demandé de faire pousser après avoir passé la journée à les cultiver et à les récolter. Un jour, ils peuvent nous apporter trois aubergines et 12 carottes, et je dois trouver un moyen de les utiliser; c’est un peu comme une épreuve de type « boîte noire ».

Quel rôle jouent les épices et les assaisonnements dans vos créations, à l’Alta Bistro?

Comme je mets toujours l’accent sur les ingrédients, je n’utilise les épices que si elles ajoutent de la vie au plat et lui apportent du caractère. Cela dit, j’aime bien jouer avec les épices et piquer l’intérêt des gens en ajoutant du chili là où on ne l’attend pas. Nous avons par exemple servi de la pastèque assaisonnée au chili – c’était sucré, avec une pointe de chaleur inattendue. 

Quels sont les défis, le cas échéant, pour un restaurant qui sert de la cuisine française haut de gamme dans un endroit comme Whistler?

Aujourd’hui, on trouve 150 restaurants à Whistler, mais il y a quelques années, il existait une sorte de monopole dans le secteur gastronomique local. Les gens qui venaient skier ici n’avaient le choix qu’entre quelques établissements. Mais ce choix s’est naturellement étoffé avec l’arrivée de nouveaux résidents et de nouvelles cultures ici. Vous pouvez manger mexicain, espagnol, italien ou autre chose n’importe quand dans la semaine. Du coup, il faut que votre offre soit vraiment concurrentielle dans une ville de ski comme Whistler : vous devez proposer des assiettes bien remplies pour combler l’appétit de vos clients sans toutefois leur donner l’impression d’être complètement ballonnés.

L’un de nos plus grands défis consiste à offrir suffisamment de choix sur le menu pour attirer les gens dans notre restaurant. Certaines personnes consultent notre menu et s’exclament « Wow, c’est vraiment chouette, comme restaurant! » D’autres, en revanche, passent leur chemin, car elles trouvent que notre menu est trop étrange à leur goût. Nous devons donc trouver un équilibre. C’est là, ainsi que dans la saisonnalité des produits, que se trouvent nos principaux défis. Nous avons besoin de clients pour rester en vie, mais nous devons aussi rester fidèles à nous-mêmes. Nous pouvons créer des plats intéressants, mais si personne ne les mange, à quoi bon?

Une bonne partie des plats que vous offrez, comme le Deli Board et les fruits de mer, sont d’origine locale. Comment la saisonnalité des produits et le fait que vous vous approvisionnez en Colombie-Britannique influencent-ils la composition de votre menu tout au long de l’année?

Nous avons passé beaucoup de temps à nous familiariser avec les saisons, ce qui est très important pour bien se préparer, d’autant plus que nous planifions nos menus longtemps à l’avance. Il faut aussi composer avec certaines restrictions relatives au fait que nous ne choisissons que des produits locaux; nous n’utilisons pas de bar du chili, par exemple. Et la saison du flétan est courte, ici – elle ne dure que quelques mois durant l’été. C’est un poisson incroyable, délicieux, mais on ne peut le proposer que durant cette période de l’année. Nous considérons que nous avons de la chance de pouvoir le servir et, quand la saison est finie, nous attendons avec impatience l’année suivante pour pouvoir recommencer.

Il faut aussi tenir compte du prix de certains produits. En saison, on ne peut pas seulement proposer du flétan; nous utilisons donc aussi des produits sous-estimés comme le sébaste. Le sébaste coûte 5,95 $ la livre, alors que le flétan se vend 24,95 $ la livre. Le sébaste est devenu l’une des vedettes méconnues de notre restaurant. Nous tenons à ce poisson et le trouvons délicieux, mais il n’est pas disponible en hiver. Il a un goût et une saveur fantastiques, mais il faut savoir le travailler, sans quoi il peut rebuter certaines personnes.

Selon vous, comment Whistler peut-elle s’améliorer sur le plan gastronomique pour devenir une destination culinaire encore plus attrayante?

Je suis très fier de Whistler et je pense qu’on y trouve des restaurants fantastiques. Tout le monde s’entraide – si j’ai besoin d’œufs ou d’huîtres, quelqu’un sera là pour m’en donner. Cependant, je crois qu’avec le temps, certains restaurants ont pris l’habitude de compter sur l’attrait des lieux pour attirer des clients. Leur produit n’est pas génial, mais ils assoient des gens dans leur salle à manger et servent ce qu’ils peuvent pour faire du profit. Ce n’est pas mon école de pensée, mais ce n’est pas non plus à moi de dire aux autres quoi faire.

Je pense néanmoins que nous devrions avoir une association ou une structure qui permettrait à ceux et celles qui souhaitent ouvrir un restaurant ici de savoir qu’ils doivent être prêts à composer avec des saisons plus courtes et avec la saisonnalité des produits. Nous cherchons à faire de Whistler une destination attrayante pour les clients internationaux. Si ces clients mangent des ailes de poulet de mauvaise qualité, ce ne sera pas représentatif de ce que Whistler sait faire. Whistler a beaucoup à offrir, mais si on persiste à servir une cuisine ordinaire à nos visiteurs, c’est ainsi que nous serons perçus : comme une ville où la cuisine est banale.

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