Cuisiner l’extraordinaire sur la côte Est

Mettant en pratique sa philosophie de « cuisine décontractée extraordinaire » depuis 2001 au Chives Canadian Bistro, et maintenant aussi au 2 Doors Down, le chef Craig Flinn s’épanouit dans une région considérée comme unique où foisonnent les liens positifs, l’esprit de compétition amicale, les initiatives communautaires et l’histoire locale.

 

Le chef Craig a également connu le succès à la télévision et en librairie partout au pays, en participant à des émissions comme Bizarre Food, Chef at Large et You Gotta Eat Here tout en lançant des livres de cuisine, entre autres Fresh & Frugal, Fresh Canadian Bistro et Fresh & Local.

Récemment, nous avons rencontré le chef Craig pour en apprendre davantage sur son approche exceptionnelle à la cuisine d’Halifax et sur son évolution constante.

 

En tant que chef principal du Chives Canadian Bistro, vous avez choisi un concept de « cuisine décontractée extraordinaire » pour le restaurant. Décrivez ce que ça signifiait pour vous au début, en 2001, et comment ce concept a évolué depuis.

J’ai choisi de nommer mon entreprise « Extraordinary Casual Dining » (cuisine décontractée extraordinaire), ou ECD Restaurants inc., car j’ai toujours voulu que la nourriture soit conviviale et extraordinaire, sans l’approche d’un restaurant coûteux uniquement pour les occasions spéciales. Par exemple, je peux servir un plat simple de bifteck avec purée de pommes de terre, mais le goût sera différent, rehaussé et extraordinaire.

 

Au fil du temps, le concept a évolué, car je m’intéresse de plus en plus au côté décontracté, amusant et familial de la cuisine. Ainsi, nos menus se sont éloignés de ce que certaines personnes définissent comme étant de la fine cuisine.

    

Comment vous y prenez-vous pour créer vos mets et comment agencez-vous des mets rustiques ou historiques extraordinaires avec les goûts modernes d’Halifax?

En général, la création d’un menu se fonde sur la saison, sur ce que les fermiers produisent et sur ce que les pêcheurs attrapent; c’est la première étape. La deuxième étape, c’est de prendre en considération le concept du restaurant et ce qu’il signifie, ce que représente la marque et la manière dont nous avons traditionnellement fondé notre cuisine sur des mets d’inspiration européenne (surtout française et italienne). Si vous mélangez tous ces éléments avec les mets typiques de la région, et que vous vous basez sur des ingrédients locaux, vous dresserez un portrait assez réaliste de la cuisine d’Halifax. Une cuisine qui tire de l’inspiration de partout dans le monde, mais qui utilise des ingrédients d’ici.

 

Quels sont certains défis qui se présentent lorsqu’on utilise principalement des ingrédients locaux et saisonniers dans une ville comme Halifax? Quels sont certains des ingrédients les plus difficiles à obtenir qui se trouvent sur votre menu et comment parvenez-vous à surmonter ces obstacles?

Les problèmes associés à une cuisine locale et saisonnière concernent surtout la chaîne d’approvisionnement. Plusieurs producteurs avec lesquels nous collaborons ne font pas de livraisons ou viennent uniquement en ville les samedis; ça, c’est le premier défi. Le second défi concerne plutôt l’exploitation d’un restaurant 12 mois par année et 7 jours sur 7 dans une région du monde où il fait froid. Il faut prévoir les mets d’hiver bien à l’avance, car les gens veulent des légumes et des mets frais et sains toute l’année, ce qui s’avère compliqué dans un climat froid. 

 

Par exemple, la plupart des restaurants ont toujours de la salade au menu. À moins de s’en tenir aux salades de légumes racines pendant six mois chaque année, il est difficile d’avoir une salade saine composée d’ingrédients frais au menu à longueur d’année. C’est pour cette raison que la salade principale du 2 Doors Down est une salade César au chou frisé. Cette recette a été créée parce que je voulais utiliser des produits locaux, mais qu’on ne fait pousser la laitue que quelques mois par année. 

 

Vous dirigez et exploitez deux restaurants populaires à Halifax : 2 Doors Down et Chives Bistro. Comment modifiez-vous votre style culinaire pour créer des menus distincts?

Je suis chanceux parce que maintenant que le Chives Bistro a 18 ans, j’ai une bonne idée de l’identité du restaurant. C’est vraiment intégré dans notre façon d’y cuisiner, alors je n’ai pas trop besoin d’y penser. Tout se place naturellement, car nous avons tellement d’années d’expérience à travailler en toutes saisons.

 

Quant au 2 Doors Down, on y prépare surtout de la nourriture que j’adore manger. Alors, les mets y sont très conviviaux et amusants. C’est une approche joviale à la cuisine qui s’adresse à un public plus large. Alors, que vous veniez accompagné d’un enfant, d’un adolescent, d’un collègue d’affaires ou d’une personne âgée, vous trouverez toujours quelque chose au menu qui leur conviendra.

 

Parlez-nous de votre évolution culinaire.

Lorsqu’on a ouvert le Chives, je cuisinais vraiment pour mon ego et j’essayais de créer des mets qui étaient différents de ce qui avait été fait auparavant. Aujourd’hui, je tiens plutôt à créer des mets conviviaux et familiers, avec des saveurs extraordinaires qui plaisent à beaucoup plus de gens. Par exemple, je pense qu’il est parfaitement légitime de mettre un cheeseburger avec des frites au menu et qu’en fait, c’est très difficile de bien le préparer chaque fois, soir après soir. Il faut bien porter attention aux détails. Au fur et à mesure que mes restaurants prospèrent et que j’envisage de prendre de l’expansion, je vise de plus en plus à cuisiner des mets simples avec des variantes que les gens n’ont pas goûtées auparavant. 

 

D’ici là, j’ai engagé une nouvelle chef, Stephanie Ogilvie, et je me suis retiré de la création culinaire du Chives pour mieux me concentrer sur l’ouverture de mon nouveau restaurant. Stephanie est maintenant responsable de la création culinaire, et elle fait un travail remarquable. Je laisse le fruit de mon travail et les 18 ans d’histoire du Chives entre ses mains dans l’espoir qu’elle fera évoluer le restaurant grâce à son regard neuf et jeune. Il n’y a pas de plat en particulier pour ce faire; je crois plutôt qu’elle interprétera peut-être nos ingrédients d’une manière différente de ce que nous faisions. Je lui donne carte blanche, pendant que je planifie l’ouverture d’autres emplacements.

 

Selon vous, qu’est-ce qui rend la communauté culinaire d’Halifax unique par rapport aux autres grandes villes canadiennes?

Tout d’abord, notre communauté est au bord de l’océan et je crois que ça a réellement une influence profonde sur la manière dont les chefs cuisinent ici. La communauté est très jeune et dynamique. Les chefs n’ont pas peur d’ouvrir des restaurants et de cuisiner comme bon leur semble. Les jeunes chefs ouvrent des restaurants et y font ce qu’ils veulent; ils n’essaient pas de suivre la norme ou les tendances. Autrement dit, nous sommes tous des individus, mais nous travaillons tous très bien ensemble. Ainsi, l’hospitalité pour laquelle la Nouvelle-Écosse est réputée s’intègre à la communauté professionnelle locale. Il n’y a pas de rivalités hostiles, mais, peut-être, un peu de compétition saine.

En dehors de la cuisine, vous vous êtes associé aux Producteurs d’œufs du Canada pour soutenir Banques alimentaires Canada. Quel est votre rôle au sein de cette collaboration et comment d’autres chefs peuvent-ils participer?

J’ai commencé à travailler auprès des Producteurs d’œufs du Canada parce que je suis passionné par les œufs et que je voulais comprendre comment cette chaîne d’approvisionnement fait en sorte qu’on a des œufs frais dans tous les marchés à longueur d’année. Ce que j’ai appris m’a tellement impressionné que j’ai décidé que je voulais aider à démystifier certains faits concernant l’approvisionnement en œufs.


J’ai toujours collaboré de près avec nos banques alimentaires locales et aujourd’hui, grâce aux Producteurs d’œufs, j’ai entrepris une collaboration auprès de Banques alimentaires Canada qui s’est transformée en véritable passion dans ma vie personnelle. De plus, je suis très engagé auprès de centres communautaires d’alimentations canadiennes, entre autres celui de Dartmouth, car je veux assurer un accès à des aliments frais et sains en tout temps pour tous. 

Vos restaurants connaissent un succès florissant, vous collaborez pour vous engager auprès de causes et vous avez participé à différentes émissions télévisées connues, comme Chef at Large, Bizarre Food et You Gotta Eat Here. Quels nouveaux objectifs aimeriez-vous accomplir dans un avenir rapproché?

Ironiquement, je me prépare à ouvrir un nouveau restaurant pendant une période de vie où j’essaie de passer plus de temps avec ma famille. J’ai de jeunes enfants et c’est toujours difficile de trouver l’équilibre. Pour accomplir mon travail, j’ai le soutien entier d’une équipe de chefs, de gestionnaires et de partenaires d’affaires. Cela dit, je comprends aussi qu’après 30 ans de travail en cuisine, il est peut-être temps pour moi de me tourner vers d’autres options où je pourrais être chef et faire partie d’une communauté culinaire tout en élevant ma famille et en menant une vie saine et équilibrée.
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