Chef Nicolas Salinas

Nicolas Salinas a grandi dans un foyer chilien et est devenu le cuisinier de la maison à 16 ans, âge auquel il s’est aussi inscrit à des cours de cuisine afin d’assouvir sa passion pour les arts culinaires.

Après avoir travaillé dans l’ombre d’établissements comme Primi Piatti (Saint-Lambert, QC) et L’Incrédule (Longueuil, QC), Salinas a cuisiné chez Les Nomades, et en a été le copropriétaire, puis est ensuite passé au Bocata (Montréal, QC).

Lorsque la pandémie de 2020 a frappé Montréal, de nombreux établissements ont été contraints de fermer leurs portes. Salinas a délaissé la cuisine du Bocata pour vendre des empanadas à partir de sa maison et ensuite lancer Super Loco, un restaurant éphémère de ruelle qu’il met sur pied pour assurer la survie de son équipe et continuer à offrir de délicieux mets chiliens.

Nous sommes passés voir Salinas où il travaille actuellement, au Barroco (à Montréal), pour en apprendre davantage sur ses influences, sur les changements qu’il a récemment opérés ainsi que sur la façon qu’il aide les autres chefs à se développer.

Montréal est connue pour ses restaurants de style européen. Existe-t-il un fil conducteur pour ce thème, et comment équilibrez-vous les influences et les saveurs?

Selon moi, Montréal abrite non seulement des restaurants européens, mais aussi des restaurants de toutes les régions du monde. C’est toutefois de la partie européenne que sont issues beaucoup de techniques. Pour ma part, je viens d’Amérique du Sud et j’ajoute ma touche sud-américaine dans tout ce que je cuisine.

J’ai cuisiné de nombreux types de cuisines : indienne, asiatique et française. Montréal est une plateforme ouverte à toutes les cuisines.

Où puisez-vous vos inspirations?

J’apprécie la nourriture depuis mon enfance; c’est ce qui m’a mené vers cette profession. Au Chili, mes parents cuisinaient toujours à la maison. J’adorais l’odeur de la nourriture et j’allais toujours leur prêter main-forte. Je n’ai jamais songé à devenir cuisinier. Au départ, je voulais être avocat, mais je n’étais pas le meilleur à l’école. J’étais du style mauvais garçon et j’avais soif d’indépendance. Mes parents sont des gens très travaillants, et j’ai hérité de cette qualité. Je me suis donc dit que j’allais cuisiner parce que c’était ma véritable passion.

À 16 ans, je vivais avec ma mère et ma sœur. Nous avions peu d’argent. Je préparais les repas avec des conserves et ce que je trouvais dans le garde-manger. Je pouvais cuisiner à partir de rien! Pourquoi ne pas me lancer dans cette carrière? À 18 ans, j’ai suivi des cours de cuisine. Je me suis également autoformé au moyen de YouTube, de nombreux livres et de l’internet, et me suis inspiré des autres. C’est ainsi que j’ai créé ma marque.

Ce qui me distingue des autres chefs, c’est que je possède un profil de saveur de haut niveau. Outre les techniques, le goût joue un rôle crucial! Le mélange d’ingrédients doit être harmonieux et équilibré. Je suis doué pour cela.

Selon vous, quels sont les plats du menu qui permettent aux gens d’ici de s’initier à la cuisine du restaurant?

Le Barocco est reconnu pour sa paella, une sorte de risotto de fruits de mer au safran, tomates, calmar et chorizo. Ce plat est très apprécié ici. Le bœuf braisé est aussi très savoureux.

Lorsque vous allez manger dans un restaurant à Montréal, il vaut mieux connaître sa spécialité et l’essayer.

Pourquoi est-il important, pour un restaurant, d’avoir une spécialité?

Les spécialités ne sont pas si importantes en soi. En fait, lorsque nous offrons une spécialité, nous sortons de notre ligne de conduite, c’est-à-dire la ligne à suivre relativement aux coûts de nourriture, de main-d’œuvre et de direction d’équipe. Nous créons ainsi quelque chose de différent, quelque chose qui sort du cadre. Pour l’équipe, c’est agréable de voir quelque chose de nouveau au menu. C’est aussi agréable pour le client régulier puisqu’il peut essayer quelque chose de différent. Cela nous permet aussi d’élargir nos connaissances et d’utiliser les produits de saison.

À Montréal, la haute saison dure entre 4 et 5 mois. Ensuite, c’est plutôt ardu. En hiver, nous devons travailler avec des produits estivaux marinés, mis en conserves ou fermentés.

Comment les affaires vont-elles en temps de pandémie?

J’ai trouvé cela difficile de rester concentré et motivé, puisque beaucoup de mes connaissances ont changé de carrière. Bon nombre de chefs travaillent maintenant dans le domaine de la construction ou comme électriciens. En tant que chef, ce n’est pas toujours facile d’entretenir la motivation de son équipe.

Après avoir vendu des empanadas à partir de mon domicile, j’ai ouvert Super Loco et proposé des empanadas et des sandwichs d’inspiration hispano-chilienne. J’ai gardé deux employés, et mon plongeur a migré vers un autre restaurant du Groupe Barocco.

Pourquoi avez-vous choisi de fermer Super Loco?

Nos ventes quotidiennes oscillaient entre 200 et 300 $. Ce montant était insuffisant pour payer le loyer, le personnel et la nourriture. À un certain moment, j’ai dû revoir mes offres alimentaires et mes recettes et songer à une façon de faire des économies. J’ai réduit les dépenses au minimum, et même si ça allait, le fait d’être situé dans une ruelle sans trop de circulation piétonne était difficile. C’était beaucoup de temps et d’énergie pour peu de résultats.

Je faisais toute la pâte moi-même. En plus d’être père célibataire avec mon fils à la maison, ce travail d’usine était épuisant! Je m’efforçais d’encourager les membres de mon équipe et de leur offrir plus d’heures pour de mon côté en faire moins. Ils avaient une paie convenable, mais moi je faisais peu d’argent et les affaires se détérioraient. Je ne pouvais plus continuer ainsi et je devais faire quelque chose de différent. J’ai donc fermé le Super Loco.

Je suis venu ici, au Barocco, puisqu’ils avaient besoin d’aide. Un de mes employés du Super Loco est également venu ici, et l’autre est allé au Foiegwa. Nous avons d’une certaine façon sauvé notre personnel.

Si je trouve un local sur une rue achalandée, j’envisagerai de rouvrir le Super Loco.

Dans les recettes d’aujourd’hui, vous avez privilégié la moutarde en poudre Keen’s. Pour quelles raisons aimez-vous l’utiliser dans vos plats?

La Moutarde Keen’s est un produit sous-utilisé que les chefs et les cuisiniers n’emploient pas couramment comme ingrédient principal. Elle est très puissante et présente une certaine amertume. Vous devez l’équilibrer avec beaucoup d’autres ingrédients pour obtenir un goût savoureux.

J’aime cet ingrédient, car son profil de saveur s’harmonise bien avec d’autres épices comme le paprika, le cumin et le poivre. Ensemble, ils offrent un bel équilibre de saveurs. J’en incorpore dans le yogourt, la marinade, le pain naan, le beurre, dans tout, quoi! Et voilà! Une petite touche de moutarde, sans son goût si intense!

Souhaitez-vous passer un message à vos collègues restaurateurs?

N’arrêtez jamais de faire ce que vous aimez. C’est un métier difficile et parfois peu payant, mais si vous êtes passionné et aimez ce que vous faites, continuez. Ne vous découragez pas.

En tant que chef à Montréal, j’aimerais pouvoir collaborer davantage avec d’autres chefs, question de nous entraider les uns les autres. J’aimerais organiser des réunions où les chefs de différents restaurants pourraient se rencontrer, discuter, exprimer leurs sentiments et partager leurs expériences, comme une sorte de thérapie. Nous avons traversé une période très, très difficile. Cela s’est traduit par du découragement, des mauvaises habitudes, des démissions, etc.

S’il vous plaît, continuez, poursuivez votre rêve et parlez avec d’autres chefs. Nous pouvons nouer des amitiés et faire de Montréal une ville hautement gastronomique à nouveau! Montréal est une grande ville pour la gastronomie, et nous devons continuer sur cette lancée.


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