Transmettre sa culture à travers la cuisine

Le chef Shane Chartrand a grandi sur une terre où l’on respecte la chasse et la nourriture. Quand il travaillait dans un restaurant local, il s’est rendu compte qu’il pouvait, comme avec la peinture et l’art, donner libre cours à son amour pour la créativité avec les aliments. Il s’est donc lancé dans une carrière dans la cuisine, étudiant tous les aspects de ses racines autochtones pour en transposer les histoires et les traditions dans ses créations culinaires.

À présent, Shane Chartrand est non seulement le chef de cuisine du SC Restaurant, le restaurant récemment rénové du River Cree Resort and Casino, mais il a aussi participé à Cook It Raw, en plus d’enseigner aux jeunes autochtones l’art de la cuisine et de la réussite par l’entremise d’organismes de bienfaisance comme Kids with Cancer et la fondation Make-A-Wish.

Nous avons rencontré le chef Chartrand pour en savoir plus sur les défis, les techniques et les concepts propres à son parcours culinaire autochtone.

Vous avez grandi au cœur des grands espaces, de la nature, et dans le respect de l’environnement et de la nourriture. À quel moment de votre vie avez-vous officiellement décidé de devenir chef et pourquoi? 

Ma mère m’a dit « trouve-toi un travail, si tu veux ce que tu veux ». Or j’ai obtenu mon premier emploi dans un restaurant.

C’est lorsque j’ai pris conscience de la créativité inhérente à la cuisine et de ma capacité à créer de l’art comestible que j’ai senti que je pourrais être chef pour le reste de ma vie. J’ai toujours été passionné par l’art, la peinture, le dessin et la menuiserie, mais à ce moment-là, j’ai compris que la gastronomie faisait tout autant partie du monde des arts que ces disciplines, sinon plus.


Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées à vos débuts dans le milieu de la restauration?

La première fois que je suis entré en contact avec la cuisine autochtone, j’avais 29 ans. C’est à ce moment-là que j’ai découvert que je faisais partie de la Nation crie d'Enoch. J’ai voulu prendre le temps de comprendre les différents protocoles, les communautés, les symposiums alimentaires et les trousses d’information et de m’imprégner de cet univers.

Après avoir découvert les fondements de ma culture, j’ai pu les intégrer à ma cuisine par l’intermédiaire d’expériences et d’histoires simples. Le plus difficile a donc été de trouver ma voie, mon message et mon identité. Il y a des centaines de chefs dans ce monde – la question était de savoir comment j’allais être meilleur qu’eux, ou différents d’eux. À travers chaque expérience, je continue d’utiliser ma cuisine comme moyen de raconter l’histoire de différentes nations.


Quelles leçons ou techniques avez-vous tirées ou améliorées suite à votre passage dans différentes cuisines de l’Alberta? 

Mes expériences culinaires varient d’une région à l’autre, d’une ville à l’autre et d’un terroir à l’autre. Cela dit, la plus grande leçon que je retiens, c’est l’importance du terroir. Il faut connaître ses ingrédients, sa région, ses éleveurs et ses producteurs. Tout part de là, du terroir.


Quand avez-vous commencé à imaginer le concept du nouveau restaurant SC Resort and Casino? Quels étaient vos principaux objectifs lorsque vous lui avez donné forme? 

Je voulais ramener la nourriture au cœur du restaurant. Qui n’aime pas un bon bifteck avec des pommes de terre? Qui n’aime pas de bons légumes rôtis? Personne. Avec le SC Restaurant, nous sommes revenus à l’essentiel. C’est un endroit relax ou on peut venir s’amuser, regarder un match et savourer une cuisine très décontractée.

Nous ne faisons aucun compromis sur les ingrédients. Nous nous approvisionnons auprès d’éleveurs et de producteurs locaux de l’Alberta, car nous voulons faire preuve d’éthique en tant que chefs – et plus encore en tant qu’êtres humains.


Quelles sont les techniques et les processus qui président à la création des saveurs au SC? Quel rôle jouent les épices et les assaisonnements dans leur élaboration?

Le SC Restaurant étant un endroit très informel, nous cherchons à nous procurer les meilleurs ingrédients possible. Notre sauce piquante, par exemple, demande 23 jours de préparation pour être fermentée à point. Nous voulons offrir ce qu’il y a de mieux à nos clients, tout en mettant l’accent sur le goût. Nous avons un nouveau sous-chef talentueux qui comprend très bien ce que nous cherchons à faire. Nous veillons constamment à agir de façon éthique, à utiliser des produits locaux et à conserver l’esprit très informel et très abordable du restaurant.

Les épices et les assaisonnements jouent un rôle très important dans notre cuisine. En ce moment, je travaille sur un mélange épicé à base de paprika, de poivre de cayenne, de sel, de poivre et d’ail. J’utilise ces ingrédients pour rehausser la saveur de nos plats.


Comment avez-vous intégré vos origines autochtones à votre travail?

 Mon restaurant est très décontracté et c’est une formule que les gens apprécient. Nous faisons de notre mieux avec les ingrédients dont nous disposons. 

Je travaille aussi sur un livre de cuisine intitulé Tawâw: Progressive Indigenous Food (La cuisine autochtone moderne), qui s’inspire de mes racines autochtones. Les recettes qu’on y trouve font appel à beaucoup d’ingrédients anciens, comme le lichen des rennes, à des produits de la côte Ouest et de la côte Est, ainsi qu’à de nombreux produits des plaines, comme le bison. 


Que préparez-vous pour la suite? Que peut-on s’attendre à voir ou à goûter prochainement?

Mon livre de recettes sortira cet automne. Il est axé sur la spiritualité, le cérémonial, les saveurs et les recettes, simples ou complexes. En bout de ligne, c’est une histoire que je raconte, car tout part de là. On y parle de produits doux, relevés, de salades et même de simples pommes de terre bouillies, mais c’est aussi un récit, un parcours dont on suit le fil. 

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