Rencontre avec un maître du fumoir

Sur la scène culinaire déjà embrasée de Portland, en Oregon, BJ Smith, chef de cuisine des restaurants Kim Jong Smokehouse, Smokehouse Tavern et Smokehouse Provisions, apporte une note fumée, puisant dans ses années consacrées à l’art de développer les saveurs des plats les plus raffinés.

Formé au métier auprès de ses parents dans leur restaurant de South Bend, en Indiana, BJ Smith a étudié au Western Culinary Institute de Portland, ce qui l’a propulsé dans des cuisines aussi renommées que celles du Citrus (Los Angeles), du Le Bernardin (New York) et du Gotham Bar & Grill (New York).

Nous avons récemment discuté avec BJ Smith des processus qu’il utilise pour optimiser ses coupes de viande et des conseils qu’il offrirait aux autres cuisiniers pour rehausser le goût de leurs viandes.

En tant que maître du fumoir, vous êtes responsable de maximiser la saveur de chaque coupe de viande. De quelles coupes tirez-vous les meilleures saveurs? Pourquoi?

Ce sont les parties les plus irriguées d’une pièce de viande qui lui confèrent sa saveur. En général, il s’agit également des coupes les plus coriaces, puisqu’elles comportent les muscles les plus longs et les plus sollicités, ce qui contribue à leur saveur. Ces coupes doivent idéalement être fumées ou cuites lentement, deux procédés qui développent les saveurs tout en attendrissant la viande.

Les joues de porc, par exemple, sont excellentes fumées, tout comme les joues, la poitrine et la ronde de bœuf. Toute cette partie de l’animal convient parfaitement à la cuisson au barbecue, parce qu’elle contient beaucoup de gras, qui fond lentement et donne un excellent goût à la viande.

Quels sont les principaux aspects qu’un cuisinier doit connaître et rechercher lorsqu’il choisit différentes sortes de viande?

La teneur en gras est l’un des aspects les plus importants. Si on choisit une pièce de viande maigre, comme la longe ou le filet, il faut éviter de la faire cuire longtemps. Au barbecue, l’absence de gras se traduira par un résultat décevant. La viande prendra une texture granuleuse.

Il faut aussi connaître les coupes de viande qui requièrent une cuisson lente et celles qui doivent être saisies. Un filet mignon de bœuf sera délicieusement tendre et savoureux si on le met simplement sur la grille jusqu’à ce qu’il soit mi-saignant. Pour une texture plus crémeuse, on peut le servir cru, en tartare. La poitrine, par contre, donne un bifteck horriblement coriace. Il faut donc la faire cuire très longtemps pour laisser aux fibres le temps de se décomposer.

Tous vos plats de viande sont préparés au fumoir. Pouvez-vous nous expliquer votre raisonnement et les techniques que vous utilisez avant de mettre la viande à fumer?

Lorsque j’ai créé cette marque de restaurants, je tenais à lui donner un nom autre que « barbecue ». L’appellation « smokehouse » correspond mieux au menu, qui comprend surtout des viandes fumées, et non pas cuites au barbecue. Pour moi, ce sont deux choses totalement différentes. Lorsqu’on fait fumer la viande, on peut choisir des coupes moins courantes et, en les traitant de la bonne façon, les rendre réellement délicieuses, sans aucune prétention.

Pour ce qui est des techniques, tout dépend de l’animal que l’on prépare. Pour un poisson, par exemple, nous utiliserons le salage pendant 24 heures, tandis qu’un poulet sera saumuré, le sel ajouté servant à conserver l’humidité durant la cuisson Nous enrobons les pièces de porc et de bœuf d’épices à frotter avant de les mettre au fumoir : le temps de cuisson est tellement long que la saveur a tout le temps nécessaire pour bien pénétrer la viande.

Traditionnellement, vous servez vos viandes sans sauce. Quels ingrédients et quelles techniques employez-vous pour infuser la saveur dans vos épices à frotter et vos viandes fumées?

Le sel est l’ingrédient le plus important, surtout dans le cas du bœuf. Notre processus de salage requiert avant tout du sel, auquel nous ajoutons un peu de sucre, tout comme pour le saumurage. Au bout du compte, il nous faut trouver la meilleure manière de contrôler la teneur en sel de nos préparations.

Lorsque vous utilisez des techniques de saumurage et de salage dans votre processus de création de saveurs, comment faites-vous pour bien équilibrer ces saveurs?

En général, pour le salage comme pour le saumurage, nous recommandons une quantité égale de sel et de sucre si on laisse reposer la viande toute une nuit. Ainsi, la chair ne devient pas trop sucrée, mais le goût de sel est légèrement atténué. Nous utilisons du sucre blanc sur la plupart des viandes, mais pour le porc, nous préférons généralement la cassonade, qui est un peu plus sucrée et qui caramélise la saveur.

On sait que la viande tient le haut du pavé dans votre menu, mais quelles sont les sources qui inspirent vos saveurs lorsque vous créez des mets à base d’ingrédients peu courants dans les établissements de viandes fumées, comme le poisson, la volaille et l’agneau?

J’ai commencé en cuisine en 1995 et j’ai toujours travaillé dans des restaurants de fine cuisine. Lorsque j’ai commencé à cuisiner au barbecue en 2011, je n’ai rien renié de ma formation et de mon inspiration antérieures, je les ai simplement mises en pratique dans un cadre plus détendu.

Certaines viandes figurent toujours au menu parce que nos producteurs agricoles nous en offrent constamment. Toutefois, nous préparons aussi de l’agneau et du poisson, qui sont des produits essentiellement saisonniers, et nous sautons sur l’occasion chaque fois qu’on nous offre du saumon sauvage. 

Les légumes ont également une place de choix sur notre menu. Nous travaillons de concert avec plusieurs producteurs agricoles locaux et nous aimons nous amuser à créer des plats en grande partie végétariens. Avec l’automne qui arrive, nous aurons par exemple beaucoup de choux de Bruxelles et de légumes-racines, dont la variété changera chaque semaine en fonction des arrivages. 

Vos créations culinaires vous valent de nombreux hommages pour la façon dont elles fusionnent votre formation classique et vos techniques modernes. Quelle direction prévoyez-vous prendre dans votre approche des aliments fumés, plus précisément en ce qui concerne les saveurs et les techniques culinaires?

Les techniques culinaires étant le fondement de ce que nous faisons ici, il est probable que nous ne chercherons pas trop à les modifier. Notre terrain de jeu sera plutôt le garde-manger : nous prendrons des ingrédients qui, de prime abord, ne semblent pas destinés au barbecue, et nous en ferons des plats de viande fumée. Nous allons également commencer à utiliser davantage de volailles comme le canard et la caille, ainsi que du gibier, comme le wapiti, l’ours et le sanglier sauvage à l’automne. En travaillant différentes coupes de viande, nous arrivons à concrétiser des idées insolites, ce qui nous amuse beaucoup.

Passer au contenu principal(Skip)