Créer une cuisine japonaise réconfortante, mais hautement gastronomique dans les détails

Né à Seattle, dans l’État de Washington, et ayant commencé son aventure culinaire à 16 ans dans un célèbre restaurant de sushi, le chef Shota Nakajima n’a pas tardé à se rendre à Osaka, au Japon, pour approfondir sa compréhension de l’art de la cuisine japonaise.

Fraîchement revenu de sa formation auprès du chef Sakamoto, un grand cuisinier accrédité par le guide Michelin, le chef Shota est rentré aux États-Unis pour appliquer l’approche des aliments et de l’hospitalité que lui a enseigné son formateur primé dans son propre restaurant, l’Adana. Depuis son retour réussi sur la scène culinaire américaine, le chef Shota a mérité plusieurs titres, notamment, celui de demi-finaliste pour le prix James Beard.

Nous avons récemment parlé au chef Shota de son approche personnelle de la cuisine japonaise et de la recherche de l’équilibre entre le style de cuisine, la saveur et la technique.

Au Adana vous offrez une cuisine japonaise à la croisée des chemins entre l’alimentation réconfortante et la haute gastronomie. Pouvez-nous nous expliquer davantage le concept, y compris ce qui vous l’a inspiré?

L’inspiration provient de l’endroit où j’ai grandi et de ma culture. J’ai passé la moitié de ma jeunesse aux États-Unis et l’autre moitié au Japon. Ma mère cuisinait tout le temps. Ensuite, de 18 à 23 ans, j’ai été formé dans un restaurant de haute gastronomie décoré d’une étoile Michelin au Japon, d’où le mélange des deux cultures.

De retour aux États-Unis, j’ai lentement commencé à comprendre quelle cuisine j’aimais, c’est-à-dire celle de ma mère, de ma jeunesse. J’y ai puisé mon inspiration, en y incorporant les techniques apprises au Japon pour développer le style de cuisine qui est devenu ma signature.

Parmi vos techniques apprises au Japon, laquelle contribue le plus à votre concept selon vous?

Je dirais la préparation de mon propre bouillon dashi. Ma méthode est très conventionnelle, c’est-à-dire que je chauffe l’eau du kombu à une température de 60 à 70 degrés, sans dépasser 70 degrés, jusqu’à ce que la saveur de l’algue se soit infusée. Parfois cela prend une heure, parfois 30 minutes. Le secret est de comprendre le profil de saveur.

Décrivez votre processus relativement aux saveurs. Comment arrivez-vous à équilibrer non seulement la haute gastronomie et l’alimentation réconfortante, mais aussi votre patrimoine japonais?

Au bout du compte, ce qui m’importe est le bon goût et le réconfort. Si je goûte à un plat et que je me dis que j’en mangerais régulièrement, c’est ce que je recherche en tant que chef.

Prenez par exemple notre morue charbonnière à la fumée de cèdre. Nous prenons un poisson de bonne qualité, que nous débitons, nettoyons et saumurons. Le processus de saumurage est l’un des plus importants, et nous utilisons du sel kombu. C’est un mélange de sel et d’algues kombu réduit et mélangé au robot dans notre cuisine. Cela aide à faire ressortir l’umami et à éliminer l’humidité en trop. Ensuite, nous faisons mariner le poisson dans du saké pendant une heure, puis nous l’en sortons et le faisons sécher côté peau vers le haut jusqu’au lendemain pour uniformiser la saveur et saumurer le tout. Enfin, nous le faisons griller sur du charbon.

Expliquez-nous comment vous modifiez vos techniques de cuisine pour rehausser à la fois votre haute gastronomie et vos plats inspirés de l’alimentation réconfortante.

Certaines techniques sont appliquées dans tout ce que nous faisons. Les techniques de coupe, par exemple. Lorsque je coupe des ingrédients, je dois m’assurer de ne pas endommager les fibres. C’est pourquoi mon couteau est toujours bien aiguisé. 

Décrivez le rôle des épices et des assaisonnements pour conférer à vos plats un profil de saveur japonais authentiques. Donnez-moi des exemples.

La cuisine japonaise est très simple. Elle tourne principalement autour du dashi, du soja, des marinades et du saké, ainsi que de l’équilibre entre l’umami et le sucré, l’aromatique et le salé. Par exemple, si vous préparez des pommes de terre, le ratio sera de 10-1-1. Le 10 est la proportion du dashi, qui est une saveur vide, autrement dit l’umami. Ensuite, les sauce mirin et soja apportent le salé (1) et le sucré (1). Le salé, le premier 1, peut être décomposé en 0,7 part de sauce soja et 0,3 part de sel. Pour le 1 du sucré, vous pouvez envisager une proportion de 0,3 part de sauce mirin pour 0,7 part de sucre ou de miel. Mettez tout cela ensemble et vous obtiendrez la saveur suprême.

Comment changent vos menus de dégustation à plusieurs services au fil des saisons? Y apportez-vous des changements spéciaux pour des fêtes telles que la fête des Mères?

Notre menu de dégustation à plusieurs services change presque tous les jours, parfois même en plein milieu d’un service. Il y a des matins où je vais acheter certains d’ingrédients en sachant que nous pourrions en manquer plus tard, parce que je n’achète pas de grandes quantités d’un coup. C’est ce que j’ai envie de faire; nous intégrons donc les plus beaux ingrédients du moment, tout en suivant le cours des saisons. 

Quels ingrédients et saveurs et pouvons-nous nous attendre de voir se tailler un chemin jusqu’au centre de notre assiette dans un avenir proche?

Pour l’instant, nous mettons l’accent sur ce qui est disponible. Le printemps est tardif cette année : les fèves gourganes commencent à arriver, et nous nous en réjouissons. Nous aimerions aussi avoir des têtes de violons, mais elles se font attendre.

Les aubergines sont arrivées, et elles sont délicieuses. La morue charbonnière aussi est excellente ces jours-ci, parce que l’eau est encore froide; elles restent donc belles et bien grasses.

Avez-vous des conseils ou des recommandations pour les chefs aspirants ou émergents?

Je suis sceptique au sujet des recettes. Personnellement, je ne crois pas en leur utilisation. Je sais que c’est un peu bizarre. Les recettes permettent de développer une bonne base, mais selon les ingrédients, les assaisonnements et la température, tout peut changer d’un jour à l’autre. Assurez-vous de toujours garder cela en tête, et ne cuisinez pas à l’aveuglette. Goûtez toujours à tout ce que vous préparez, et ajoutez du sel, du cari, de l’assaisonnement Old Bay, ce que vous voulez, si c’est nécessaire. Si vous utilisez n’importe quel ingrédient en plus petite quantité, ajustez le reste. 

En savoir plus sur Chef Shota Nakajima.

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