Aiguisez vos compétences culinaires

La chef Jacqueline Blanchard a grandi en Louisiane du Sud et obtenu un baccalauréat en art culinaire à l’Université d’État Nicholls. Après avoir fait ses armes dans différentes cuisines, dont celle du restaurant Benu étoilé par le Guide Michelin, à San Francisco, elle a commencé à parcourir l’Europe et l’Asie pour bien saisir l’essence des cultures culinaires de ces continents.

Devenue chef et copropriétaire du restaurant Coutelier à La Nouvelle-Orléans, Jacqueline Blanchard a pour devise : « un chef sérieux a besoin de couteaux sérieux ». Passionnée par la coutellerie japonaise intergénérationnelle, elle œuvre pour la préservation de cet art.

Nous avons récemment rencontré Jacqueline Blanchard pour savoir d’où lui vient sa passion pour les couteaux et comment de mauvais ustensiles de cuisine peuvent nuire aux saveurs les plus raffinées.

Votre dernière entreprise, Coutelier Nola, vise à soutenir et à promouvoir les couteliers qui transmettent leur savoir de génération en génération au Japon et qui forgent des couteaux pour les professionnels de la restauration. D’où vous est venue cette idée?

Mon partenaire et moi sommes tous deux cuisiniers et nous avons toujours mesuré l’importance de travailler avec des couteaux de qualité. Pour nous, le couteau est l’extension de notre main, il représente notre travail et la qualité qu’on tient à lui donner. Nous sommes tombés en adoration avec la culture japonaise et le soin avec lequel les Japonais confectionnent leur artisanat. Je crois qu’il faut soutenir ces générations de forgerons.

Aujourd’hui, la majeure partie de l’artisanat moderne et ancestral se perd. Nous sommes encore dans l’après-restauration de Meij, une sorte de guerre civile japonaise pendant laquelle la plupart les forgeurs de sabres furent dépossédés de leur art. Ils ne savaient pas quoi faire après. Aujourd’hui encore, les couteliers sont à la recherche d’une activité d’avenir.

C’est de là que nous est venue l’idée et de notre volonté aussi d’offrir à nos pairs des ustensiles de grande qualité. Nous voulions soutenir cet artisanat, qui est menacé de disparaître, tout en encourageant la préservation des savoirs ancestraux.

Pourquoi croyez-vous qu’il est essentiel pour un chef d’entretenir ses couteaux avec soin?

Je crois que le soin que vous apportez à vos couteaux révèle qui vous êtes, la qualité de votre travail et votre sérieux en tant que chef. Quand on prend soin de ses ustensiles, ils durent. Si on laisse un couteau mouillé au fond d’un évier, il rouillera ou se dégradera.

Quand on aiguise un couteau, il faut aussi polir la pierre d’aiguisage. Pour prendre soin de ses couteaux, certains aspects sont tout aussi importants que de savoir quels couteaux utiliser. Cela a beaucoup à voir avec qui vous êtes et votre façon de vous définir. Quand on reçoit un couteau d’un artisan qui maîtrise le savoir-faire de 4 à 10 générations, on veut en prendre soin pour respecter ce savoir-faire.

Quelle est l’importance des couteaux de fabrication japonaise sur la saveur générale d’un plat? Pouvez-vous nous donner des exemples?

En termes de saveurs, je dirais que moins la structure d’un couteau est endommagée et plus le couteau est bien affûté, plus on préserve la valeur nutritive des aliments. Quand on coupe en deux un oignon ou de l’ail avec un couteau émoussé, on endommage la structure des cellules que l’on coupe. Les cellules endommagées se répandent alors sur la planche à découper et créent de l’acidité. On observe la même chose avec les fines herbes, comme la menthe ou le basilic. Si on les coupe avec un couteau mal affûté, elles noirciront et perdront leurs huiles essentielles.

Ce qu’il faut savoir pour aiguiser des couteaux japonais, c’est que les lames sont plus fines que celles auxquelles beaucoup d’entre nous sont habitués. Les aciers européens sont parfois très épais. Les lames fines peuvent créer des coupes plus précises, ce qui permet de mieux retenir la valeur nutritive des aliments que nous coupons.

Expliquez-nous les techniques qui fonctionnent le mieux avec ces couteaux japonais. Y a-t-il des techniques particulières pour préparer certains ingrédients et (ou) types de cuisines?

Il y a tellement de sortes de couteaux! Tout dépend de la tâche à réaliser. Par exemple, si vous essayez de désosser un poulet, il y a un couteau fait pour ça. On n’utiliserait pas nécessairement un couteau de chef, parce qu’on pourrait écailler la lame.

Il y a beaucoup d’idées préconçues sur l’acier japonais. L’une des généralités consiste à croire que l’acier japonais « est découpé au laser et peut tout couper ». Ce n’est pas le cas, car les formes et les types de couteaux correspondent à des tâches bien particulières. Il faut choisir son type de couteau en fonction de ce qu’on cuisine le plus. Par exemple, si vous coupez beaucoup de légumes, vous choisirez probablement un nakiri.

Selon leurs angles, certains couteaux ont une forme plus ou moins arrondie, donc si vous êtes plutôt du genre à faire rouler votre couteau, à appuyer dessus ou à l’utiliser pour faire des découpes, sachez que les couteaux couperont différemment selon votre façon de couper et de les tenir en main.

Quels couteaux les chefs professionnels devraient-ils avoir et pourquoi?

La plupart du temps, on utilise un couteau de chef de 8 pouces pour les tâches quotidiennes. Les gens me demandent toujours : « si vous ne deviez avoir que deux couteaux, lesquels choisiriez-vous? ». J’essaie de les inciter à choisir un petit couteau de 6 pouces, de style utilitaire, qui est plus facile à manier. Dans un ensemble de couteaux, il y a toujours un couteau de chef de 7, 8 ou 9 pouces.

En général, il y a également une trancheuse d’environ 9 à 10 pouces. On trouve aussi souvent un couteau à pain et un couteau à désosser qui est fait pour le désossage et la réalisation des filets. Et c’est toujours une bonne chose d’avoir une paire de ciseaux de cuisine aussi, c’est un outil indispensable d’un ensemble de cuisine. Enfin, il y a le fusil à affûter qui sert à entretenir les couteaux entre les aiguisages.

Passer au contenu principal(Skip)